Nana descendit dans le hangar de la barge de guerre à toute vitesse, les claquements de ses ailes résonnant dans les couloirs métalliques. El déboula et découvrit l’endroit vide. “Vélinel”, la grande domination était partie pour le royaume de Hod. Satanachia avait besoin d’el là-bas. Quand el se réveillerai, el serait un nouvel éloha, rusé, brutal…
… insupportable.
Nana sonda l’obscurité du hangar. Dans les coins sombres restaient des cuves de sang d’Adam, rouge et enivrant. Nana s’en approcha, la bouche ouverte, le souffle court. Mais un bruit métallique résonna derrière el. El s’interrompit.
— Maître Nathaniel ?
Nana se retourna. Xeirel, un command’aile de la Milice de la Vengeance, était là, revêtant son armure rouge complète.
— Nous approchons la cible, dit le soldat.
Nana l’assassinat du regard.
— Oui, c’est bien. J’arrive.
Xeirel retira son casque. Nana vit son visage blafard, strié de veines rouges, ses yeux affamés. El observa à son tour les cuves de sang.
— À l’armurerie, milicien, ordonna Nana.
— Nous aurons besoin de notre dose pour le combat, avertit Xeirel. Sinon…
— Nous ne sommes pas sûrs que la force sera nécessaire, répondit Nana.
Xeirel grommela, secoua la tête en désapprobation.
— La milice de la Vengeance a soif de combat, pas de blabla, avertit Xeirel.
— On ne résout pas toutes les situations en tapant sur les autres ! s’empota Nana. Et puis cesse de lorgner mes cuves ! Elles sont à moi.
Xeirel se crispa. Nana ne perdit pas plus de temps et leva ses mains, faisant venir le sang d’Adam à el. D’un coup de griffe, el perça sa propre peau pâle et le liquide visqueux entra dans ses veines, le nourrissant d’un ignoble pouvoir. Un flash, porteur de souvenirs cataclysmiques, tonna dans l’esprit de Nana. Une mer d’élohim déchainés, des flots rouges, la fureur des oracles-guerriers. La vertu se cambra, tendit le bras. Le sang obéit au sang. Le soldat devant el ploya le genou. Nana le poussa à se relever et l’entraina avec el hors du hangar.
En avançant dans les couloirs, Nana fit bouillir le sang des miliciens, qui n’eurent d’autre choix que de lui obéir pour échapper à la souffrance. Els se dirigèrent dans l’armurerie, pour s’équiper. Là, des chérubins installèrent armes et armures sur leurs corps colossaux, puissants et meurtris à la fois. Les chants rituels résonnèrent, graves, menaçants. Puis les chants guerriers, affamés de sang. La fureur couvait. Il fallait la contrôler. Nana tissa un filet de sang, qui s’extirpa de ses veines pour se répandre dans tout le vaisseau. Le liquide rouge entra dans leurs veines par des ports installés sur leurs corps. Les alimentant de quelques gouttes, suffisamment pour les soumettre. Ainsi, Nana calma le bouillonnement, tant bien que mal.
Volant à toute vitesse, la vertu de Géhenna arriva dans la salle stratégique du vaisseau. Les forces de la Vengeance étaient réunies autour d’un grand hologramme rouge. Ce dernier affichait une flottille de vaisseaux élohiens, avançant dans le cosmos de Malkouth. Selon les rapports des vertus-analystes, els quittaient le système de Sicad pour rejoindre celui d’Oméga. Dans ces vaisseaux de voyage civil, on décomptait plusieurs centaines de millions d’enfants, d’azohim et de séraphins spécifiquement.
— Ces vaisseaux ressemblent à des modèles kéthériens, remarqua un des analystes. Ceux qui servent d’habitude à transporter des pèlerins.
— C’est la flotte de l’évêque Burrhus, reconnut Nana.
— Pourquoi ce ne sont pas les vaisseaux de l’archange Pomiel qui transportent son peuple ?
— Ce n’est pas Pomiel qui a ordonné l’évacuation, dit Nana, informé par Vélinel.
— Que doit-on faire ?
— Établissez le contact.
— Nous avons essayé. Pas de réponse…
La frimousse de Nana frémit. Les miliciens s’agitèrent.
— Persévérez, ordonna la vertu.
— Que dit le modèle prédictif ? demanda Xeirel. Vont-ils coopérer ?
Nana leva le bras, pour le faire taire. El se connecta au réseau EL et envoya un message aux sicadiens :
— Nous sommes la Milice de la Vengeance. Nous chassons les ténèbres jusque dans les recoins les plus lointains des royaumes célestes. Vous êtes sur notre terrain de chasse. Identifiez-vous.
Les miliciens attendirent quelques minutes en silence, dans le cliquetis des machines de la salle stratégique. Au bout d’un moment, els reçurent une réponse…étrange.
— Venez… venez donc… J’ai quelqu’un à vous confier…
Le message était brouillé de grésillements, perturbé.
— Qui êtes-vous ? demanda Nana.
— Burrhus ? demanda Xeirel.
Nana leva les yeux au ciel. Les analystes révélèrent alors :
— Ce n’est pas un éloha. Il n’y a pas de signature lumineuse.
— Identifiez-vous, azoha, appela alors Nana.
— AH ! ENFOIRÉ ! hurla l’azoha à l’autre bout du fil, s’adressant probablement à quelqu’un d’autre à bord de son propre vaisseau. JE VAIS TE TUER !
Puis la communication se coupa.
— Bon, fit Nana en se raclant la gorge. Eh bien… Préparez-vous à l’abordage.
Un contingent de la Milice de la Vengeance se rassembla sur le pont d’amarrage de la barge de guerre et prirent place dans des vaisseaux d’intervention. Ces derniers furent violemment propulsés dans le cosmos, en direction de la flotte des sicadiens. Nana mena l’assaut el-même.
— Impact dans trois, deux, un.
Dans un fracas destructeur, les vaisseaux de la Vengeance pénétrèrent la coque de cristal du vaisseau amiral des sicadiens. Les soldats en sortirent et immédiatement, une nuée de séraphins se jetèrent sur els. Le massacre commença. Les soldats sortirent leurs épées et leurs blasters, affrontant les flammes. “Pour l’Oracle !” hurlèrent-t-els. “Hérétiques” ! Nana tissa sur ses guerriers des thaumaturgies de renforcement. Le combat s’éleva dans les airs. Bientôt une pluie de sang doré gicla de toutes parts. Une alarme résonna. Le hangar se verrouilla. Les miliciens firent leur travail. Bientôt, plus aucun séraphin ne subsista.
— Els pensent pouvoir nous arrêter, ricana Xeirel.
Nana sortit un petit œuf d’une des poches attachées à sa ceinture. El le lança sur une des portes du hangar. Les soldats reculèrent. Nana fit un geste de la main. Son halo pulsa et soudain :
CLASH !
La porte de cristal, conçue pour résister à des assauts démoniaques, éclata en morceaux. Les miliciens franchirent le pas et envahirent les ponts supérieurs. D’autres nuées de séraphins fondirent sur els. Mais aucun d’entre els n’étaient de véritables guerriers.
“Pour l’Oracle ! Pour l’Ordre !” rugirent les miliciens.
Au fur et à mesure de leur progression, les miliciens rencontrèrent de plus en plus de résistance. Des séraphins plus gros débarquèrent. L’une des puissances de la vengeance se retrouva acculée, prise entre deux colosses. Les flammes prirent sur son armure rouge, le transformant en torche élohienne. Nana grimaça. Le sang des miliciens bouillonna. La vertu de Géhenna resserra son filet, voyant ce qui allait venir.
— Retenez votre frère ! hurla Nana.
Le milicien enflammé, aux portes de la mort, se transforma. El se pencha en avant, dans une posture primale. Ses veines se gonflèrent sous son armure alors que la Rage s’installait en el. El retira sauvagement son casque, révélant ses yeux rouges et sa gueule béante, crocs dehors. Le soldat rugit, faisant vibrer l’air gorgé de violence. Le soldat n’était plus el-même. Nana sut que son esprit n’était plus dans le présent. El revivait un passé lointain, qu’el n’avait pourtant pas connu, mais qui était gravé dans sa graine. Le soldat se revoyait debout, devant la porte d’Orion, faite d’or massif, qui séparait le Royaume de Tiphéreth de la route de la Haute-Prêtresse. El regardait son primordieu bien aimé, l’Ordre des Astres, aux longs cheveux azur, être pourfendu par la lame de l’abominable Psychopompe, à la crinière de nuit.
Les frontières entre passé et présent s’estompèrent. La puissance cru qu’el était à cet évènement de la Seconde Brisure, qu’el était un éléite, combattant jusqu'à la mort, et que tous devant el étaient des hérétiques, des traîtres qui devaient être détruits. Son esprit, emporté par la colère et le désespoir, abandonna toute rationalité.
— JE SUIS LA VENGEANCE ! hurla la puissance.
Le soldat ouvrit grand sa gueule et mordit alors le premier séraphin qui se tenait devant el. Gorgé de folie, le milicien commença à dévorer vivant son ennemi. L’horreur frappa les séraphins, affaiblissant leur résolve. Les miliciens de la Vengeance n’en firent alors qu’une bouchée. Le sol se retrouva couvert des cadavres des serpents ailés. Nana quant à el, dû redoubler d’efforts pour contenir le soldat enragé. Sans ennemi à portée, el était sur le point de se retourner contre ses propres frères.
— Rendez-vous ! Et vous serez épargnés ! s’écria Nana, s’adressant aux passagers du vaisseau, azohim et enfants, tout en ayant conscience de ne pas être très convaincant.
— … M’entendez… entendez-vous ? résonna alors une voix grésillante dans le réseau EL.
— Azoha ? Identifiez-vous, ordonna Nana.
— Émer…sande…
L’esprit analytique de Nana se mit en branle. Dans toutes les données qu’el avait absorbées, el retrouva ce nom. C’était celui d’une des épouses de l’ange Miel de Sicad.
— Votre époux est-el avec vous ? demanda directement Nana.
— Oui.
— Et l’évêque Burrhus ?
— El n’est pas à bord.
Nana fit une moue contrite, mais pas étonnée.
— Je vous propose un marché, dit alors l’azoha. Vous nous laissez tranquilles, en échange de quoi je vous livre mon stupide époux.
Xeirel ricana.
— Nous n’avons pas besoin de faire un quelconque marché, rugit-el. Notre victoire est assurée !
— Vos puissances ont de toutes évidence quelque chose qui cloche, dit l’azoha, ça pourrait déraper… Voulez-vous vraiment tuer des azohim et des enfants ?
Nana sourit. L’azoha était maligne.
— Soit. Marché conclut.
— C’est un piège, avertit Xeirel.
— Pas selon le modèle prédictif, rétorqua Nana.
Xeirel grogna. Les miliciens de la Vengeance progressèrent vers un lieu de rendez-vous, situé dans les quartiers des passagers. Els entrèrent sans résistance et découvrirent une marée d’azohim et d’enfants terrifiés. En voyant les soldats, els pleurèrent et gémirent. Nana monta dans la suite de l’archange Miel, richement décorée d’améthyste et de soie. Mais la beauté de l’endroit était souillée de traces de lutte. Au sol gisait une azoha inconsciente, une autre épouse de Miel sans doute. Émersande se tenait au-dessus, tenant en joue son propre époux, à demi comateux.
— Que s’est-il passé ? demanda Nana.
— El a fait tuer mon fils, révéla Émersande, la voix étouffée de rage. Mon pauvre Hémoée.
Les données dans l’esprit de Nana se relièrent entre elles, formant un schéma logique. Vélinel avait eu raison. Le fils de l’Interrac avait servi de point de pression. Burrhus n’avait pas anticipé les conséquences de ce sacrifice.
— Un sacrifice nécessaire, souffla alors Miel
— Traitre ! s’exclama Émersande. Tu ne vaut pas mieux que le Porteur de Lumière ! Que crois-tu qu’el a dit lorsqu’el a poussé ta mère dans un chaudron !?
Nana sourit, amusé.
— Burrhus nous avait promis l’asile ! Dans un endroit où jamais les éléites pourraient nous retrouver !
— Ah bon ? fit Nana, faussant l’étonnement. Où donc ?
— El avait promis un abri à tous nos enfants, pour protéger leurs âmes, leur innocence ! continua Émersande. El avait promis que Sicad serait sauve et nos maris aussi ! Mais el nous a trahis ! El a fait venir Nukvah, cette abomination ! Pour tout détruire !
— Ce sont les Interracs qui ont envoyé Nukvah ici, corrigea Miel. Pour protéger le contenu des monolithes…
— Burrhus savait cela ! El a fait pression sur Nakirée en mettant la vie de mon pauvre Hémoée en jeu ! Miel ! Tu es immonde ! Immonde ! Tu as donné un enfant à Nakirée juste pour le manipuler ! Et par amour pour toi, el a accepté ! El t’a fait confiance ! Et moi aussi !
— Émersande… Pense à la cause… souffla Miel. Nous n’avons pas pu tout maîtriser…
— Toi, tu ne penses qu’à tes petites ambitions de roitelet ! Tu n’as aucune considération pour la vie des autres ! Tu as sacrifié tes sujets, tes âmes ! Félicitations ! Tu es le roi d’un tas de cendres !
Miel gémit, entre rage et douleur.
— Bien, soupira Nana en regardant l’ange déchu. Une belle brochette d’hérétiques. Aller ! On les emballe, et on se tire !
Émersande hurla de rage et tira sur Nana. Le tir luminique rebondit sur son filet de sang. Les miliciens la saisirent et la neutralisèrent, définitivement.
— Épargnez les enfants, souffla Miel, à demi-conscient.
— Nous verrons, avertit Nana. Si la graine de l’hérésie est implantée dans leurs esprits, nous n’aurons pas d’autres choix que de les éliminer. Pareil pour vos azohim.
— Prenez-moi… Pas elles… Par els…
— Vertu ! clama alors Xeirel, s’adressant à Nana. Leur corruption est évidente ! Laisse nos lames purifier leurs âmes ! Laisse la Vengeance prendre place !
Nana saisit son filet de sang et resserra les liens. Les miliciens grimacèrent.
— On se calme, ordonna Nana. On se calme, et on m’obéit.