— Hé Cyborg ! Faut qu'on s'équipe avant d'y aller hein !
— Ah !
Michaël se donna une claque et se posa. Soudain, el bondit sur Kokabiel et s'envola à toute vitesse dans les couloirs du HOD Princesse Mercuria.
— Lâche-moi ! criait Kokabiel. Lâche-moi espèce de cyborg psychopathe !
Sans pitié, le jeune Fitzarch déboula dans l’armurerie des nobl’ailes et là seulement, lâcha le pauvre Kokabiel. El avança doucement dans une salle triangulaire, ses yeux gris perçants remplis d’émerveillement. Des rayons de lumière blanche tombaient des hauteurs, nimbaient les murs de métal sombre. Des chants portés par des centaines de voix graves résonnaient depuis les pièces voisines.
“Fils de la Miséricorde, fils du Jugement
Une vertu d'Ennead, de la graine du Grand Architecte
Vient chercher sa coquille sacrée et ses lames acérées”
Des trois coins de la pièce, des élohim apparurent. Des prêtres-séraphins en toge blanche, aux halos de feu orange et aux ailes recouvertes d’yeux de lumière dorée. Et des prêtres-chérubins en toge noire, aux halos de feu bleu et aux ailes recouvertes d’yeux normaux.
— Je viens à vous en serviteur du Créateur, clama Michaël le regard fiévreux.
El monta sur une plateforme centrale et écarta les bras. Les chérubins et les séraphins l’entourèrent. Les premiers habillèrent Michaël d’une armure d’argent et de mercure. Comme celle de Constantiel, elle enveloppa son corps. Michaël étudia avec fascination les plaquettes de métal qui la composaient. Elles étaient en forme de plumes, mais vu de loin ressemblaient un peu à des écailles. Merci Constantiel des Interracs, sourit comme souvent Michaël. Il paraissait que depuis que la domination avait rejoint Ennead, la chorale bénéficiait bien plus facilement des meilleures technologies élohiennes. El les avait ramenés de son ancienne chorale, les chérubins d’Interracs, gardiens des équipements élohiens venus des temps anciens.
Dans une cérémonie martiale, les séraphins bénirent chaque partie de cet équipement sacré avant de le poser sur Michaël. Els tendirent les mains et alors qu’els psalmodiaient, un feu éblouissant jaillit de leurs paumes pour noyer le plastron, les gantelets, jambières.
☿ — Je m’enveloppe de cette coquille comme d’une seconde peau, récita Michaël, la voix tremblante. Pour que la Miséricorde d’EL me protège.
Agenouillé devant cette scène, Kokabiel frissonna.
— Tu as cassé un de mes ongles, râla-t-el.
Les séraphins sifflèrent d’agacement. Les chérubins, eux, armèrent Michaël. Els couvrirent ses ailes de lames tranchantes. Els plongèrent ses griffes dans du mercure sacré, poison pour les démons. Et sur ses semelles, els posèrent des patins tranchants.
☿ — Je manie ces armes pour prolonger mes serres, continua Michaël. Pour que le Jugement d’EL s’abatte sur les dévoreurs de mondes.
Kokabiel imita Michaël en silence, mot pour mot, offrant une parodie grimaçante du jeune Fitzarch. Les prêtres sortirent alors leurs encensoirs et répandirent une fumée sacrée, qui renforça le corps et l’armure de Michaël. Sur son plastron le symbole d'Ennead apparut. Puis le jeune Fitzarch descendit de sa plateforme et s’agenouilla devant un grand séraphin. El prit sa main et pria :
“EL m’enveloppe dans cette coquille
Pour combattre démons et abominations
Sur mes deux cœurs ma loyauté à Hod
Et à mon géniteur le Grand Architecte
Avec fierté je porte de symbole d'Ennead
Et rejoint mes frères sur le ciel de bataille”
Michaël se releva et regarda Kokabiel intensément. Ce dernier monta sur la plateforme et exécuta le même rituel. Finit la queue de cheval rose et les ongles de vingt centimètres. À la place, un casque et des griffes d'acier apparurent. Une fois armé et armuré, Kokabiel refusa cependant d'en rester là. El invoqua sur el-même une robe de coton blanche, avec de grandes manches bouffantes et deux fentes dans sa jupe, laissant voir les fines jambières de son armure dorée. El couvrit ses deux paires d'ailes de bannières orange et or, évidemment floquées du symbole d'Ennead. Son halo d'or s'agrandit pour s’orner de flèches qui visaient les cieux. Lorsqu'el brandit ses mains, prêt à tisser, Kokabiel eut l'air un héros des temps anciens, qui avait combattu et vaincu la Seconde Brisure. El était jeune, mais aussi brave que magnifique.
— Comment tu fais pour avoir ce genre de look !? s'exclama Michaël, l'expression tendue.
— Je suis dans mon Nefendi, t'es dans ta jalousie !
— Mais !?
Kokabiel descendit de la plateforme et passa devant Michaël pour aller vers la sortie.
— Attend ! Faut que je m'habille bien aussi ! s'indigna le jeune Fitzarch.
— Oh, maintenant tu t'intéresses à la mode mmh ? Ah non, excuse-moi, monsieur veut juste être beau pendant qu'el exécute ses exploits militaires. Ça fera bien après à la cristalvision...
— Oui je veux être beau comme tout le monde ! Mais j'ai pas besoin de toi de toute façon.
Suivant Kokabiel, Michaël trotta vers la sortie de l'armurerie. Mais alors qu’el avançait, el sortit une petite boule de cristal d’une de ses poches. El se concentra dessus. À l’intérieur el trouva des thaumaturgies d'habillage qu'el avait en stock. En projetant sa conscience, el appela une lumière qui l'enveloppa et le couvrit d'une robe bleu ciel par-dessus son armure, et de tulle éthérée sur ses ailes blanches.
— Voilà, c'est pas mal ça.
Kokabiel jeta un œil discret avant de pousser un râle indigné.
— Tu te fiches de moi ?! C'est quoi ces couleurs ?!
— Bleu et blanc, c'est joli non ?
— Oh Michaël ! Tu combats pour quel royaume déjà ?
— Malkouth ?
— Non ! Le royaume d’où tu viens !
— Ah, Hod !
— Bleu et blanc c'est les couleurs de Hod ça ?
— Non...
— Bon alors mets les couleurs de Hod ! Orange, sable, beige, argent ou or ! Ça te fait une belle palette ! Mais non toi tu prends du bleu ! Tu viens d'où ? D'Ha Atziluth ? De Hessed ? Ou bien peut-être de Netzach et de son bel océan ?!
— Oui bon ça va...
En un tour de thaumaturgie, Michaël changea la couleur de ses habits pour arborer des vêtements argentés scintillants. Kokabiel, toujours pas conquis par ce look, leva les yeux au ciel. Michaël l'ignora. Il n'était plus temps de se préoccuper de mode. Le jeune Fitzarch décolla et emporta son collègue à toute vitesse vers le pont de commandement. Els le traversèrent, descendirent et atteignirent un balcon qui surplombait le hangar principal du vaisseau. Ennead, forte de trente mille vertus et de cinq milles élohim d'autres chœurs, était réunie là, quasiment prête en moins de dix minutes. Rien ne dépassait l’efficience de Raphaël, l’archange-prince de Hod. Guidés par des séraphins, les élohim se lancèrent dans une énième prière :
“EL prépare nous à l’affrontement” chanta Raphaël.
“Que le Chanteur Merveille projette nos voix loin dans la Création, pour guider nos combattants et sauver les âmes d’EL” chantèrent les principautés.
“Que l’Ordre-des-Astres remplisse nos cœurs de courage, pour protéger les nôtres de la horde immonde” clamèrent les puissances.
“Que Sandalphon affûte nos corps et nos esprits, pour mieux soigner nos frères” dirent alors les dizaines de milliers de vertus de la chorale, dans une explosion de voix.
“Que l’Eveil’artisan nous donne sa clairvoyance pour bien tout surveiller” sifflèrent les ophanim.
“Que le Jugement du Psychopompe décuple notre force et tranche nos ennemis” clamèrent les chérubins, qui bien que confinés à un rôle logistique, avaient soif de sang de démon.
En dernier comme toujours, les quelques prêtres-séraphins de la chorale bénirent leurs frères élohim :
“Que la Miséricorde du Porteur de Lumière enflamme nos âmes de Foi et nous protège de la souillure !”
☿ — Aller ! Aller ! s’impatienta Michaël. À quoi servent ces prières ? Les primordieux sont morts, laissez-les dormir.
Michaël reçu quelques regards très sévères de la part des séraphins. Mais ces derniers ne pouvaient recadrer un Fitzarch, un prince céleste. Enfin, Raphaël ordonna la sortie. Le grand hangar s’ouvrit. L’archange-prince déploya sa triple paire d’ailes et s’envola dans le cosmos. Son halo illumina l’univers, le déchirant d’éclairs de mercure. Sa taille se démultiplia et du bout de ses doigts, des fils de lumière surgirent. Depuis un vaisseau non loin, un autre éloha sortit pour rejoindre Raphaël. C’était un autre archange immense, aux ailes et au halo roses, brillants de paillettes argentées. Brenna Fitzarch. Michaël prit son envol, rejoignit son frère et son mentor. Pour la première fois depuis des siècles, Ennead et HodArch s'unissaient pour combattre ensemble.
— T’as vu, j’ai réussi à faire sortir Raph de sa chambre, s’amusa Michaël auprès de Brenna.
— Bien joué. Tu n’as pas peur des partzufim j’espère ?
Michaël secoua la tête.
— Évacuons tout le monde avant que le monstre sacré débarque.
Les trois élohim tissèrent des fils de lumière, se lièrent entre eux et accompagnèrent les troupes de vertus qui se déployèrent autour du vortex de ténèbres. Depuis la flotte de Hod, ces centaines de milliers de soigneurs arrivèrent, sous les chants ravis des quelques combattants restants de la cinquième flotte d'Eden, qui louèrent les hodiens rien que pour leur présence.
“Des Fitzarch parmi nous ! Des enfants du Grand Architecte en personne ! Qu’EL soit loué !”
Raphaël ne put se retenir de grogner en entendant les élohim célébrer HodArch plutôt qu'Ennead. Lui et Brenna sortirent de leur communion pour prendre commandement de leurs propres chorales. Michaël resta sous le commandement de Raphaël et auprès de Kokabiel. Du bout de ses doigts, el et ses camarades invoquèrent un immense filet de lumière qui se lia à ceux des autres vertus, avant de se poser sur les halos des millions d’élohim qui combattaient. Ainsi connectés, leurs esprits furent de nouveau unis par le réseau EL. La communication et la coordination des troupes se rétablit peu à peu et la retraite commença. Des orbes de lumière blanche indiquèrent les chemins à suivre vers l'arrière-garde.
☿ — Suivez la lumière ! criait Michaël à travers le réseau. Pour la Miséricorde d’EL ! Suivez la lumière !
El déploya ses serres et les posa sur les mailles de son filet pour le faire vibrer des sorts mélodieux. D’abord des thaumaturgies de réveil, faites d’ondes bleues, pour rendre les esprits des élohim froids, calmes mais hyper vigilants. Puis une première vague de soins, d’ondes jaunes, pour stabiliser les blessures. Enfin, une vague d’ondes vertes, pour décupler la force et la rapidité des combattants, accélérer la retraite. Un prompto-boosto rondement mené. Ainsi, Michaël, Brenna et Raphaël répartirent leurs bénédictions à travers leurs troupes de vertus, qui durent interpréter et reproduire ces thaumaturgies surpuissantes, à la complexité technique aussi grande que belle. HodArch et Ennead tracèrent le chemin de sauvetage vers la flotte en arrière garde. Puis, lorsqu’il fut bien posé, els finirent de guider les vivants pour mieux guider les morts. Haussant sa voix dans une prière sacrée, Michaël recommanda les âmes des guerriers tombés à EL, pour qu’elles aillent bien au Berceau, où elles attendraient l’ultime résurrection, la renaissance d’EL dans son corps, l’Adam Kadmon.
Des chorales de la Milice, composées de puissances, reculaient efficacement vers la retraite quand soudain, le filet de Michaël s’agita, emporté par des turbulences. La vertu fut tirée de ses œuvres et vit les séraphins ressurgir de toutes parts. Déchaînés, ces grands serpents ailés se jetèrent sur les ténèbres comme des fous, ignorant la retraite et les ordres de Raphaël. Michaël leur hurla dessus, mais rien n’y fit, car els chantaient dans leur frénésie un appel que la vertu avait depuis le début du combat redouté d’entendre.
“Nukvah ! Fille d’Adam Kadmon !
“Nukvah ! Septième visage du Créateur !”
“Nukvah ! Viens nous sauver des abominations”
C’est là qu’elle apparut.
Tout ce que vit Michaël avant de comprendre fut un plafond bleu et brillant. Il couvrit entièrement le cosmos au-dessus du ciel de bataille et soudain, l’univers se mit à vibrer de partout, réduisant en miettes le filet des vertus. “Nukvah ! Nukvah !” célébrèrent les séraphins, alors que la panique regagnait les autres élohim.
— Le Partzuf ! s’exclama Raphaël en redéployant son filet sur ses propres troupes. Ennead ! Retraite ! Abandonnez tout ! On se casse !
Michaël ne bougea pas, le regard perdu quelque part sur le visage de Nukvah. Cet être divin, fragment de l’Adam Kadmon, le corps détruit d’EL lui-même, était si démesuré que le système solaire entier de Sicad faisait à peine la taille d’un de ses yeux. Nukvah, dite “La Fille”, septième visage du Créateur, était l’un des êtres les plus puissants de la Création. Faite de cristal et de lumière, elle ouvrit grand sa bouche galactique, prête à cracher toute la fureur d’EL sur ces misérables démons. Malgré le choc, Michaël redéploya sans réfléchir son filet sur les élohim. Leur détresse s’écrasa sur el. La vertu, bien réveillée, baissa les yeux vers Sicad et y vit une mer de halos, peu à peu engloutie par les ténèbres.
— Par EL !
Trop occupé à organiser la retraite des puissances qui jugulaient le vortex, Michaël en avait oublié de regarder vers la surface de la planète. Des milliers d’élohim étaient encore bloqués là. Les gardiens avaient écouté l'appel lancé par les ophanim d'HodArch sur la planète. Els tentaient de se réunir en un seul endroit, tout en essayant de sauver un maximum d’âmes. Leur détresse remonta dans le réseau.
“SSS…O…SSS…O…SSS. Nous sommes… bloqués… aide…”
Une vague d’adrénaline explosa dans les mains de Michaël. El leva la tête vers Raphaël.
☿ — Pourquoi personne n’a dressé les échelles pour évacuer la surface ?!
— Pas le temps, pas les troupes, répondit Raphaël, les dents serrées par l’effort.
☿ — Il y a plein d'élohim en bas ! C’est pour els que je voulais sortir !
— Els sont condamnés. Nukvah arrive. Pas le temps. Concentre-toi sur le vortex. Faut qu’on ramène nos troupes à la flotte sans…
☿ — Restez ici ! dit alors Michaël. Occupez-vous de la retraite ! Je vais aller chercher les gardiens !
Clac !
D’un seul coup vif, Michaël s’arracha du filet d'Ennead. El replia ses deux paires d’ailes et fonça vers la surface de Sicad, vers les condamnés, persuadé de pouvoir encore les sauver. Derrière el, Raphaël hurla quelque chose. Brenna aussi. Michaël entendit ensuite des cris stridents et reconnu la voix de Kokabiel. Mais les cris de ses proches lui glissèrent dessus sans provoquer chez el le moindre doute. Le jeune Fitzarch piqua vers Sicad, fendant son atmosphère. Arrivée à la surface, el déploya ses ailes pour planer, el survola une mer de chaos. Le vortex des démons s’engouffrait dans le trou qu’els avaient percé dans le bouclier planétaire, si large qu’une jugulation semblait impossible. Els s’étendaient sous le bouclier, pour emprisonner sous une tempête abominable tout ce qui vivait à la surface. Seul point positif, les démons s'étaient introduits au point le plus fragile du bouclier, à l'opposé du générateur principal et du complexe des gardiens. Cela leur laisserai quelques dizaines de minutes avant leur arrivée, suffisant pour évacuer pour une chorale bien organisée. Mais les gardiens, au lieu de se réunir pour se barricader dans le complexe, volaient tous vers une plaine particulière, parsemée de monuments noirs. Espéraient-els s’y réfugier ? À son tour, Michaël piqua vers la plaine. Mais soudain...
— AIE !
Michaël fut stoppé net dans son élan, et bascula en arrière. Quelqu'un venait de l'attraper pour remonter vers la flotte. Un éloha en armure dorée, éclatant.
— Constantiel ?! découvrit le jeune prince. Lâche-moi ! Lâche-moi !
— Laisse-toi faire, ordonna Constantiel.
Les mots de la domination tombèrent sur le halo de Michaël, soufflant sa volonté rebelle. Ils pénétrèrent dans son esprit, s’emparèrent de son cerveau. Ce dernier envoya des signaux urgents à son corps, pour la pousser à voler vers la flotte. Constantiel venait d’utiliser ses pouvoirs de domination sur Michaël. Par leurs mots, les dominations pouvaient en effet contraindre les autres élohim de génération plus haute à suivre ses ordres. Mais Michaël n’était pas d’une haute génération, bien au contraire. Bien vite, la jeune vertu se reprit. El redéploya ses ailes et en une ruade, se délivra de l'emprise de Constantiel pour replonger vers Sicad. Très rapide, la domination se dressa alors entre Michaël et la planète.
— Halte ! Retourne à ton archange par la volonté d'EL !
Encore une fois, Michaël vit les mots lumineux de Constantiel l'assaillir pour étouffer sa volonté, son libre arbitre. Mais sa flamme résista. Un éloha de deuxième génération, si proche de la lumière d'EL, ne saurait être vaincu par un autre de génération supérieure, tout-puissant et illustre qu'el soit. Pourtant, Constantiel n'abandonna pas. El leva le bras et invoqua sa lame d'or et de mercure. El la brandit devant el, prêt pour un duel.
— Tu peux rien contre moi ! s'offusqua Michaël. Que vas-tu faire ? Me découper ? M'empaler ? Tu seras puni pour avoir levé la main sur un Fitzarch !
— Petite peste, dit Constantiel, d'un ton parfaitement neutre.
La domination, étrangement calme, serra le pommeau de son épée et de sa thaumaturgie, le transforma en une masse volumineuse. Avant même que Michaël ne puisse réagir, el fondit sur el et le frappa, lui enfonçant l'arme dans le ventre. La jeune vertu fut projetée en arrière. Son armure la protégea, mais le choc la sonna. Malgré cela, ses réflexes s'enclenchèrent. Du bout de ses doigts, el invoqua la lumière d'EL pour en faire un bouclier qui enveloppa son corps. Mais tombant sur el, Constantiel abattit sa masse sur sa nuque. Le choc fit trembler les os de Michaël. Son bouclier le préserva à peine de l'inconscience. El fut de nouveau projeté dans l'espace, filant à la vitesse de la lumière vers les confins du système de Sicad. Enragé, Michaël tendit les bras en avant et lança un filet sur Constantiel. El voulu lui tisser des thaumaturgies d'apaisement, voire de sommeil, pour se débarrasser d'el en douceur. Mais immédiatement, le filet de Michaël s'emmêla dans les mailles étranges qui composaient l'armure de Constantiel. La jeune vertu tenta de tisser dessus mais les fils se tendirent et se coincèrent dans des nœuds informes. Michaël tira, trancha, puis lâcha. À l'autre bout, la domination resta de marbre et répéta son ordre :
— Retourne auprès de Raphaël, maintenant.
Michaël jaugea du regard le bras droit de son mentor. Sept générations d'élohim le séparaient d'EL lui-même. Michaël, lui, était de deuxième génération fils du Grand Architecte et pourtant, el se retrouva impuissant face à la domination. C'était ces fichus équipements que les Interracs avaient donnés à Constantiel. Une lame qui se transforme en masse ?! Une armure ruinant un filet de lumière sacré ?! Pour quel genre d'ennemi ces équipements avaient-ils été inventés ? Michaël réalisa enfin une évidence. El ne s'était jamais battu contre un autre éloha. Les seuls adversaires des élohim étaient les démons. Il y avait certes des combats entre élohim, mais seulement pour le sport, essentiellement entre les puissances, pour qui le combat était le seul horizon, l'alpha et l'oméga. Michaël jura. Contre-attaquer ne suffirai pas. El n'avait pas d'arme, mais de la ruse et des serres bien aiguisées. Michaël bougea légèrement ses ailes, ralentit sa chute dans le cosmos et feignit d'être assommé. Constantiel s'approcha. Ses yeux s'ouvrirent grand alors que la lumière de son halo d'or redoubla.
— Soumets-toi ! ordonna-t-el.
Les mots de Constantiel, énormes, s'abattirent sur Michaël. Ils voulurent pénétrer dans son identité, son être le plus profond. Le corps de la vertu s'agita. Mais, el résista de toutes ses forces, dans une douleur et une angoisse atroce. Constantiel apparut à el plus grand encore que Raphaël, Brenna, et même Nukvah. Sous la menace, la flamme qui brûlait dans les cœurs de Michaël redoubla. Constantiel s'approcha, sans violence cette fois. El prit les joues de Michaël entre ses mains et força son regard dans le sien. La jeune vertu s'apprêta à subir une nouvelle domination. Mais les yeux de Constantiel se perdirent dans le vague.
— Ah !
Impitoyable, Michaël en profita. El attrapa le front de Constantiel et pressa sa paume contre lui. Des milliers de fils en émergèrent et vinrent s'emmêler dans le halo de la domination, brouillant son esprit.
— C'est pas une bonne idée de baisser ta garde ! ironisa Michaël.
— Je lis entre les étoiles. Je vois tes futurs potentiels s'étaler devant moi, dit Constantiel.
— Alors tu vois que tu ne pourras m'arrêter !
Constantiel ne répondit pas. Son expression jusqu'ici impassible s'ouvrit, hallucinée.
— Aller Constantiel stop ! s'inquiéta Michaël. Vient m'aider à sauver les gardiens ou laisse-moi tranquille !
La domination persista dans son silence. Le pouvoir originel de son chœur venait la hanter. L'esprit agité de Constantiel était rempli de divinations, des bribes de tous les futurs possibles, mais beaucoup étaient des rêves indéchiffrables. Ils avaient noyé sa conscience. Michaël passa à l’attaque. Dans l'esprit de son camarade, el tissa un sort de confusion. Constantiel s'endormit à moitié. Michaël l'attrapa et le poussa vers le haut. Ses ailes, qui battaient encore, le ramèneraient vers la flotte des élohim.
— Plus de temps à perdre ! râla Michaël en reprenant sa descente vers la surface de Sicad.
Lorsque la jeune vertu arriva sur la plaine, les démons qui venaient l'accueillir reculèrent, brûlés par son halo irradiant, teinté du mauve du Grand Architecte en personne, souverain des Cieux, dernier enfant d’EL. Mais Michaël savait que le répit accordé par son ascendance serait bref. Sans attendre el entra dans un monolithe, s’enfonçant dans des galeries souterraines. L’endroit était si sombre que la forte lumière de Michaël le révéla à peine. Le sol était marbré de paillettes dorées et les murs gravés de fresques indéchiffrables. Volant presque à l’aveugle, Michaël déploya un filet pour tenter de former un réseau EL tout en scannant l’endroit. Les monolithes semblaient être reliés entre-eux par des couloirs souterrains. Cela réjouit Michaël, qui n’aurait pas à entrer et sortir, s’exposant aux démons. Mes frères sont là, je les ai vus entrer depuis les cieux. Michaël avait vu juste. Quelques instants plus tard, les halos de centaines d’élohim glissèrent comme un torrent sous el. Beaucoup remarquèrent Michaël et tombèrent, éberlués de voir un Fitzarch ici. Certains paniquèrent, persuadés d’être déjà mort et au Berceau. Michaël jeta sur eux des thaumaturgies pour les calmer et les remettre en état de fuir. Puis el étendit son filet et finit par repérer une multitude de halos élohiens, certains isolés, d’autres regroupés, tous terrifiés.
— Par ici ! cria Michaël.
Rapide comme l’éclair, el parvint à récupérer un bon nombre de réfugiés. Dans son exploration, el trouva ensuite une grande salle, dont l’obscurité était déjà atténuée par la présence de milliers d’élohim. Michaël vola vers eux, les relia à son filet. A leur tête, un grand chérubin gardait derrière lui des anges éplorés.
— Nakirée ? reconnu immédiatement Michaël.
Comme tous les chérubins, Nakirée avait un halo de flammes bleues. Mais à l'intérieur, Michaël pu lire son nom et le reconnaitre.
— Qu’EL soit loué ! Vous êtes là ! s’exclama Nakirée, emporté par l’adrénaline.
Les anges derrière se mirent à acclamer leur sauveur. “Michaël Fitzarch ! C’est un Fitzarch !”
— Que faites-vous encore ici ?! s’écria Michaël, engueulant presque le chérubin. La flotte a envoyé un signal d’alerte ! N'avez-vous pas vu la chute de Rhéa ?
— Nous ne l’avons pas reçu. Je crois que nous avons été sabotés de l’intérieur par notre évêque, le séraphin Burrhus…
Michaël ne comprit pas les paroles de Nakirée. Un sabotage ? Un évêque ? Ses interrogations se noyèrent sous l'écho des chocs abyssaux résonnèrent autour des monolithes. Michaël observa les élohim. Els faisaient quelque chose d’étrange. Els prenaient le sable doré qui couvrait le sol dans leurs mains, et l’étalaient sur les grands murs du hall. Le sable s’accumulait dans des interstices, qui se révélèrent être des gravures, rendues ainsi visibles. Les élohim firent ainsi apparaitre un grand plan sur le mur.
— C’est le plan du réseau souterrain ? demanda Michaël.
Nakirée acquiesça. Les élohim révélèrent aussi des textes, autour de pentacles ou d’hexagones, des plans de thaumaturgies familiers à Michaël. Quelques vertus et chérubins essayaient de les tisser.
— Ces thaumaturgies sont faites pour sceller les monolithes, n’est-ce pas ?
— Oui, nous voulons nous enfermer ici en attendant… en attendant que les démons soient vaincus.
La lèvre de Michaël trembla. Nukvah. Le partzuf allait frapper à tout moment et vaporiser tout ce qui se trouvait à la surface de Sicad. Les monolithes ne résisteraient pas.
— On ne peut pas rester ici, dit Michaël en regardant Nakirée droit dans les yeux qui parsemaient son visage. Nukvah est là. Elle va frapper.
Nakirée ne sembla pas étonné, ce qui éveilla un soupçon chez Michaël. Le chérubin ne dit rien, se contentant d'acquiescer.
— Gardons cela pour nous quelques minutes encore, décida Michaël. On a tout le monde ?
— Non, répondit Nakirée, tremblant mais concentré. Il manque encore plusieurs milliers d’entre nous. Il manque aussi Miel, un ange de septième génération, haut-commandant du chœur local.
— Ok, je pense qu’on a encore vingt minutes devant nous.
Michaël rassembla les élohim et les entraîna avec el dans sa recherche des réfugiés. Les gardiens lui furent d’une grande aide. Grâce au plan qu’els avaient révélé sur le mur, els parcoururent efficacement les longs couloirs souterrains des monolithes. En dix minutes seulement, el eut fini de récupérer les chorales disparates. Son éducation de vertu d’Ennead, rois de la stratégie et de l’organisation, avait du bon. Michaël réunit tout le monde dans la grande salle. Les grondements qui semblaient émaner de la terre s’intensifièrent. Les murs commencèrent à trembler.
— Élohim ! finit par annoncer Michaël dans le réseau EL. Préparez-vous à briser vos sceaux ! Les monolithes ne tiendront pas ! Nukvah va frapper !
Une moitié de la foule se figea de peur, l’autre se mit à s’agiter d’une intense panique. Michaël se tourna de nouveau vers Nakirée. Les yeux qui parsemaient son corps regardaient dans tous les sens. El était perdu, dépassé. Els leur fallait un plan, maintenant.
— On n’a pas encore retrouvé tout le monde, souffla Nakirée, les yeux remplis d’effroi. Il manque Miel, mon cher Miel…
— J’ai ramené tous ceux que j’ai pu capter, dit Michaël en secouant la tête. Il est peu probable que mon filet en ait raté. Si el n’est pas ici…
Nakirée déglutit et leva ses mains tremblantes. El trébucha, prêt à s’effondrer. Michaël le rattrapa tant bien que mal. Le grand chérubin faillit renverser sa petite silhouette.
— Nakirée, Nakirée regardez-moi, souffla Michaël, en essayant de dissimuler le trouble du chérubin pour ne pas effrayer davantage les autres.
Les élohim tout autour, déjà paniqués, ne remarquèrent rien.
— Priez, priez avec moi, souffla Michaël. EL est là. EL est avec nous. Chérubin, sentez-vous le poids du Jugement pulser dans vos halos enflammés ? Sentez-vous les vibrations et les craquements de la Création ?
Discrètement, pendant la prière, Michaël tissa une thaumaturgie apaisante et la fit ondoyer sur le halo de flammes bleues de Nakirée.
— Vous êtes un chérubin si courageux Nakirée. Regardez ce que vous avez accompli. On a réuni tant d’élohim ici, grâce à vous. Nous allons survivre, nous allons nous battre pour rendre justice aux Gardiens de Sicad. J’ai un plan. On appelle ça une fusée explosive dans notre jargon de vertus. Nous allons former une boule de lumière dans un filet remplis d’ondes pour bien nous renforcer, nous protéger et surtout, accélérer notre vol. Puis on va décoller à toute vitesse. On va traverser les ténèbres avant même que les démons puissent comprendre ce qu’il se passe.
Nakirée déglutit, le temps d’envisager le plan étrange que Michaël proposait.
— Vous avez déjà fait ce genre de choses avant ? Sauvé des élohim comme ça ?
— Pas vraiment, avoua Michaël. Mais c’est-ce qu’a accompli mon grand-frère Brenna Fitzarch, le héros de Tophana ! Je connais bien les sorts et ce genre de tactiques. C’est ma spécialité d’étude.
— Vous êtes si jeune, à peine plus âgé que mon propre fils…
— Votre fils est ici ? demanda Michaël.
Nakirée acquiesça et montra à Michaël un jeune chérubin caché derrière el, tremblant de la tête aux pieds.
Michaël remarqua qu’el était en effet tranquille. Ses cœurs battaient fort, l’adrénaline fouettait ses veines. Mais son esprit était calme, clair, efficace, malgré les circonstances exceptionnelles. Finalement, Kokabiel avait peut-être raison de le surnommer cyborg.
— Ça vous convient, ce plan ?
— Oui, on n’a pas le choix de toute façon.
Michaël se replongea dans le réseau EL.
[Vertu] Michaël : Élohim ! appela-t-el, sa voix juvénile encore tremblante. Voici le plan que nous allons suivre pour nous échapper. Que toutes les vertus et les principautés présentes se manifestent. J’aurai besoin de vos thaumaturgies. |
À travers le réseau, Michaël montra son plan aux élohim. El déploya encore un filet sur eux, des ondes orange et vertes.
[Vertu] Michaël : Vertus ! Venez en avant avec moi. On doit englober tout le monde dans le filet, comme dans un œuf ! Principautés ! Chantez ! Il nous faut des chants survoltés, qui décuplent notre vitesse surtout. Comme un prompto, vous voyez ? |
Les élohim se mirent en formation tant bien que mal. Les anges, qui composaient la majorité des réfugiés, n’avaient pas l’habitude de ce genre de manœuvres. Alors que les murs tremblaient si fort qu’on ne s’entendait plus, Michaël s’assura que tout le monde soit prêt. Juste avant le top-départ, Nakirée lui tendit une boule de cristal sombre, qui rentrait à peine dans la paume de sa main.
— C’est un objet très important. Vous devez le remettre au Seigneur Euthanatos. Et à personne d’autre.
Michaël ne comprit pas, secoua la tête.
— Quoi qu’il arrive, vous êtes celui qui a le plus de chance de s’en tirer. Gardez précieusement cet objet, et remettez-le à Euthanatos dès que vous le pourrez…
— Ok…ok…
Alors que Michaël rangeait la boule dans une de ses poches, le sol du monolithe se souleva, provoquant une panique générale. Les souterrains n’étaient pas si solides face aux démons finalement. Michaël hurla dans le réseau pour que les élohim conservent leur formation.
[V☿rt☿] M☿cha☿l : Par ici élohim ! Suivez-moi ! |
Els s’envolèrent et se ruèrent vers la sortie. Michaël tissa, tissa, et tissa encore, s’assurant que les autres vertus faisaient de même. El hurla, encore et encore, comme jamais el n’avait hurlé, alors que tout autour, la Création elle-même s’effondrait dans un fracas assourdissant. Les couloirs des souterrains défilèrent à toute vitesse, virage après virage. Mais peu à peu, Michaël fut troublé. Dans son esprit, des éclairs sombres vinrent parasiter ses pensées, comme des images subliminales cachées entre les fils de la réalité. De plus en plus perturbé, Michaël se mit à cligner des yeux, prit de dangereux vertiges. Soudain, une large silhouette noire, dotée de trois paires d’ailes, se dressa devant el. Aussi grande qu’enflammée, ses yeux d’or liquide le frappèrent. L’éloha brandit un trident d’or et empala Michaël, avant d’ouvrir grand sa bouche pour plonger la vertu dans des flammes destructrices. Michaël hurla, puis soudain, l’éloha disparu, ainsi que ses flammes et son trident.
— El est en train d’halluciner ! criait Nakirée à deux pas. Ne laissez pas les visions vous terrasser Michaël, revenez à nous !
La jeune vertu prit une grande inspiration, soulagé, et retrouva la réalité. Malgré la panique générale, el entraîna de plus belle les troupes vers la sortie. Un grand hall, une dernière ligne droite, longue, mais à l’horizon éblouissant. Cette lumière aveuglante chassa l’obscurité. Oh non ! encore une vision ? Cette fois, Michaël fut tiré en avant. El cligna les yeux et vit le visage de Raphaël, déchiré par la colère. La jeune vertu eut beau battre des paupières, el ne disparut pas.
— Archange Raphaël ! appelaient les élohim tout autour. Qu’EL soit loué !
Ce n’est pas une vision ! Michaël vit le visage enragé de son mentor et comprit ce qui allait se passer.
— Non ! supplia-t-el. Non ! Non !!
Rien n’y fit, Raphaël annihila le filet de la jeune vertu et emporta Michaël vers le ciel, laissant derrière lui les élohim qu’el avait secouru. Michaël hurla, se débattant comme un fou, mais l’archange le maîtrisa sans efforts et fonça vers son vaisseau. Le cosmos se remit à vibrer et l’univers se couvrit de blanc.