Miel étendit ses deux paires d’ailes et se laissa glisser sur la courbure de l’espace-temps. El ouvrit grand les yeux et admira les étoiles du cosmos infini de Malkouth. Elles étaient bleues, rouges, blanches, seules ou en couple. D’innombrables mondes tournaient autour d’elles, des planètes telluriques, comme Sicad, océaniques ou gazeuses. Nombre d’entre elles luisaient plus que les autres, non pas parce qu’elles étaient davantage exposées à la lumière de leurs étoiles, mais car elles émettaient leurs propres ondes électromagnétiques, de lumières, de sons. Et pour cause, elles portaient la vie.
Mes camarades anges font un si bon travail, se dit Miel. Ces planètes étaient si nombreuses. Les âmes des mortels qui y vivaient luisaient. Même à des années lumières de distance, Miel pouvait les voir. À leur trépas, leurs petites flammes montaient vers le firmament dans une paix joyeuse, quelle que soit la cause de leur décès. Nous faisons un si bon travail, se dit encore l’ange Miel, souriant. Mais dans ses yeux manquait l’éclat d’une vraie joie.
Soudain, des cris fanatiques résonnèrent dans le cosmos, alors même que le vide régnait. Ils se muèrent en rugissements et Miel se tendit tout entier. L’ange baissa les yeux vers la surface de Sicad. Un liquide rouge à l’odeur ferreuse avait englouti la planète. Le sang des mortels. Miel fronça des sourcils, sentant sa colère monter. Au-dessus, les étoiles du cosmos disparurent. Un visage immense se dressa à leur place, ouvrit la bouche et plus rien ne fut.
Miel sursauta, ouvrit les yeux.
Encore ce sang…
El se redressa dans son lit-œuf et soupira, le visage fermé, la mine trop sérieuse pour le matin naissant. Dans sa main droite, el tenait une bulle de jus de grenade. El faillit en reprendre une gorgée. Non, je ne peux pas arriver en transe au travail… Les effets du psychotrope allaient durer quelques heures encore, hors de question de les aggraver. Mais le temps pressait, car le jour de la révélation était venu. Il faut que je comprennes ce qu’il va se passer… Ce sang…
“Debout ! Élohim de Sicad !” dit soudain une voix rugissante.
Miel sortit alors de son œuf. Ses petits pieds s’enfoncèrent dans une moquette rose incroyablement douce. El se leva et balança la bulle de jus de grenade sous son lit. Puis el étira ses ailes et comme tous les matins, el connecta son esprit au réseau EL, l’internet télépathique des élohim, pour écouter son émission matinale préférée.
“Réveillez-vous ! Et que je n’entende pas des “bonne année” dans vos bouches aujourd'hui ! C'est demain ! De-main !”
Cette voix grave et grondante appartenait à Burrhus, chef des séraphins de Sicad, évêque du culte d’EL. Sa peau était sombre, témoin de sa noblesse et de son grand âge. Ses iris dorés brillaient de rage, tout comme les flammes oranges de son halo. Assis derrière un bureau, el éructait :
“Je sais que demain, le millénaire touchera à sa fin et vous ne pensez qu’à la fête à venir ! Mais les âmes des mortels ont besoin de votre guidance ! Restez bien concentrés sur les créatures, sur la récolte de leurs âmes. N’oubliez jamais le Grand Dessein, la nécessité de recomposer l’âme de notre Créateur : EL !”
La caméra qui rendait disponible l’image de Burrhus se décala pour filmer un groupe de jeunes séraphins de chœurs.
— Oh EL, éveille mes cœurs, chanta Miel avec eux. Oh EL éveille tes âmes. Nous allons danser et chanter. Toutes tes âmes seront collectées.
Miel écoutait ces sermons et ces chants tous les matins. Depuis que l'évêque Burrhus en personne présentait l’émission, el ne s’en laissait plus. L'agressivité du séraphin, mêlée à ces chants d’innocents, était comique mais étrangement motivante. Cependant, ce matin, cela ne suffit pas à réveiller les cœurs de Miel. À l’intérieur d’el ne restait qu’un vide immense.
Ennuyé, l’ange dirigea son regard vers la baie vitrée qui faisait face à son lit-œuf. Elle donnait vue sur une mer de nuages, colorés de rose par la lumière matinale. Cette même lumière faisait briller les murs de la chambre, fais d’argent massif, incrusté d’améthystes et sculptés de motifs anciens. Miel visualisa les montagnes cachées sous la brume. El imagina la disparition des nuages, de la neige, pour ne plus voir que la roche nue des sommets. Dans les vallées dégagées, el imagina des rivières rouges monter en crue.
Le sang, encore.
L’ange battit des paupières et s’éloigna de sa fenêtre pour se diriger vers un large meuble fait de cristal luisant. Des dizaines de boules de cristal étaient posées dessus, dans des réceptacles adaptés. Miel y vit quelques-unes des créatures dont el gardait les âmes. Un champs de tulipes blanches, un lynx du désert, un silure des profondeurs océaniques.
“Le quatorzième millénaire va commencer” rugit Burrhus. ”Quels grands changements vont arriver ? Eh bien... AUCUN ! Notre mission ne change pas ! Nous devons reconstruire EL au plus vite ! Et calmez vos frivolités ! La fête à venir sera un rendez-vous avec notre Créateur Brisé, durant lequel vous devrez lui rendre des comptes ! Alors gardez vos esprits concentrés et apprêtez-vous non pas à vous amuser, mais à vénérer EL ! ”
Miel, pourtant plongée dans la contemplation de ses protégés, récita cette réplique en même temps que le séraphin, qui répétait la même chose depuis une semaine. C’est alors qu’une voix juvénile résonna depuis la salle à manger non loin.
— Mieeel ! Le petit-déjeuner est servi !
— J’arrive.
Miel se dirigea vers un des grands miroirs qui ornait ses murs. El observa son visage très pâle, presque blanc. Sous ses yeux, d’immenses cernes violettes atténuaient la beauté de ses traits fins. Mais le problème n’était pas là. Miel tira sur ses muscles faciaux, encore et encore, en vain. El n’arrivait plus à sourire. Alors Miel posa ses doigts autour de sa bouche. Leurs extrémités chauffèrent et dans un sursaut de lumière, les joues de l’ange se réveillèrent. El put enfin se forcer à sourire. En faisant cela, el gloussa soudainement, comme un sursaut nerveux.
“Le souvenir des ténèbres rôde parmi nous” grommelait Burrhus. “Le souvenir de leurs grands massacres, des hordes dévoreuses laissant derrière elles des déserts de cendres et de sang. Ces menaces seront repoussées par notre récolte, par la lumière, par EL, tout-puissant dans son avenir réincarné ! ”
Miel regarda quelques secondes dans le vide, son regard hanté, son sourire figé presque terrifiant.
“Mais crois-moi, Miel”, gronda doucement Burrhus. “Les ténèbres seront les révélateurs que tu as attendus depuis des millénaires. Les révélateurs de la vérité, la vérité sur l'injustice ancienne qui te ronge. Les démons dévoreront les injustes et sera exposé ce qui se cache au fond de leurs cœurs, au fond de leurs mémoires. Une horde passe non loin, car le temps des révélations est venu.”
Miel gloussa encore, en tapotant son front du bout d’un de ses doigts. El rattrapa les divagations de son esprit et planta son attention fort dans le temps présent. Le halo de lumière mauve qui couronnait la tête de l’ange brilla. Sa lueur descendit sur son corps androgyne pour l’envelopper d’une longue tunique mauve, rehaussée de broderies dorées. Puis Miel passa ses doigts sur ses paupières pour les décorer de paillettes ; et sous ses yeux pour masquer ses cernes. Son regard rose s’éveilla enfin, son visage s’illumina.
— Le temps des révélations est venu, murmura Miel.
⊗
Un instant plus tard, Miel descendit dans son séjour. L’endroit était fait de marbre blanc du sol au plafond. Là aussi, une baie vitrée donnait une vue sur la mer de nuages. Autour d’une table rectangulaire, le chérubin Nakirée et son fils Hémoée se disputaient.
— Tu passeras le Nouvel An dans le gynécée. C’est ainsi, décréta Nakirée, son assiette déjà vide.
Le chérubin redressa ses deux paires d’ailes pour se grandir. Les centaines d’yeux qui parsemaient son plumage s’ouvrirent grand, réaffirmant son autorité. Nakirée était déjà pourtant massif, grand de deux mètres cinquante. Mais son fils, Hémoée, assis en face de lui, rivalisait déjà son père par sa stature. Une crêpe à la main, le jeune chérubin poussa un grognement outré. Les flammes bleues de son halo gonflèrent sous son indignation.
— J’ai seize ans ! Je suis assez grand pour venir à la fête !
— La majorité est à vingt et un an, répondit Nakirée. Tu devras attendre d’avoir cet âge pour venir avec nous. Cinq ans encore. Ce n’est pas si long.
— C’est pas long pour vous deux ! dit Hémoée en observant Miel prendre place autour de la table. Vous vivez depuis des millénaires. Vous sentez passer cinq ans comme moi je sens passer cinq minutes. Mais cinq ans pour moi, c’est énorme !
Miel, tout juste installé sur un des tabourets qui bordaient la table, masqua son amusement en prenant une grande gorgée de son bol d’ichor stimulant. La principauté-cuisinière Lilinel avait concocté pour el des mets délicieux, réservés aux nobles de Sicad. Il y avait évidemment du thé aux bulles de miel, des granolas de lait de muffalo, si gras mais si doux, adorné de fruits acidulés et de noix. Un gâteau moelleux aux fèves de kokis et évidemment, des petites crêpes napées de sirop d’Ul.
— Ton père a raison, dit Miel à Hémoée en dissimulant son amusement. Les fêtes du Nouvel An ne sont pas faites pour les enfants.
— C’est à cause de la drogue c’est ça ?
Nakirée se figea. El ajusta son uniforme bleu-marine d’archéo-technicien pour masquer son agitation. Miel sourit et se tourna vers la principauté Lilinel, qui servait à boire aux hôtes.
— Ce ne sont pas des drogues, expliqua calmement Lilinel. Ce sont des thaumaturgies. Nous les diffusons dans le réseau EL pour apaiser les élohim.
— Apaiser ?! J’appellerai pas ça comme ça, vu l’état dans lequel ça vous met. Ce sont des stupéfiants c’est tout. Et vous en prenez sans broncher, clama Hémoée envers son père.
— Ces “stupéfiants” ne sont pas calibrés pour les enfants comme toi, expliqua Miel. Tu dois rester au gynécée. Tu sais bien qu’une fête aura lieu là-bas aussi.
— Il n’y aura que des azohim et des enfants ! On va faire quoi ? Faire la queue leu-leu, jouer à 123 soleil ? C’est une fête pour bébés.
— Il y a des gens de ton âge aussi, dit Nakirée. Je sais bien que tu as des copains. Et puis ça te donnera une occasion de voir ta mère-azoha. Elle m’a dit que tu la délaisses ces derniers temps.
Hémoée se renfrogna.
— J’ai beaucoup à faire. Je travaille, j’étudie. Et puis mère n’a pas le droit de sortir. Je suis obligé de me rendre au gynécée pour passer du temps avec elle.
— Il faut que tu demandes une autorisation de sortie pour elle aux prêtres-séraphins, expliqua Miel.
— Je sais bien. Mais els n’acceptent jamais ma demande. Surtout ces derniers temps, avec la horde de ténèbres qui passe pas loin là. Burrhus dit que tout va bien mais il paraît que les démons vont frôler notre système stellaire…
Un éclair de panique pure passa dans les yeux de Nakirée, foudroyant le regard rose de Miel. L’ange ne sut dissimuler sa surprise, mais Nakirée reprit les rênes de la conversation.
— De quelle horde parles-tu ? demanda-t-el à son fils.
Hémoée leva les yeux au ciel, atterré.
— Oh vous croyez que seuls les command'ailes sont au courant c’est ça ?
— Au courant de quoi ? dit fermement Miel.
— De l’approche d’une horde de démons ! Elle se dirige vers Oméga mais elle va nous frôler !
— Où as-tu entendu une telle chose ?! s’agaça Nakirée.
Le jeune chérubin haussa des épaules et avoua qu’el n’avait entendu que quelques rumeurs invérifiées, échangées entre ses camarades d’études.
— Ne diffuse pas ce genre de désinformation, lui ordonna Miel.
Le ton de l’ange était soudain bien plus grave et sonore. Son halo s’était agrandi et sa fine silhouette gagna soudain en présence. Hémoée se fit plus petit, presque désolé d’avoir osé ouvrir la bouche. Miel sourit de nouveau pour calmer une tension grandissante.
— Je verrai ce que je peux faire pour donner un peu de liberté à ta chère mère-azoha, dit doucement Miel en prenant les mains de Nakirée et d’Hémoée dans les siennes. Elle est l'une de mes épouses. Els ne peuvent m’ignorer.
Quelques minutes plus tard, Hémoée partit à l’école locale de l'Institut "Chokmah", où toutes les sciences des chérubins lui étaient enseignées, des sciences dures abstraites mais aussi et surtout celles de la nature, de ses mécaniques. Lilinel débarrassa la table du petit-déjeuner et s’en alla, laissant Miel et Nakirée seuls.
— Il faut qu’on trouve d’où vient la fuite d’informations, chuchota le chérubin.
— C’est trop tard, dit tout haut Miel.
— La rumeur va se propager sur toute la planète en moins d’une heure si un seul de tes anges l’entend !
— Oh, parce que les chérubins sont plus discrets peut-être ? répondit Miel en levant un sourcil.
L’ange se leva pour se rassoir sur les genoux de son amant. Nakirée s’étonna de sa sérénité, mais ne le releva pas. Entre câlins et embrassades, Miel continua de grignoter des bulles de miel (justement), rendant ses baisers sucrés. Les élohim n’avaient nul besoin de manger pour vivre, mais en dehors de leurs heures de travail dédiées au Grand Dessein, els pouvaient certainement vivre pour manger. Et pour aimer.
— Tu es prêt pour cet après-midi ? demanda Miel à Nakirée, murmurant dans son cou.
Tu es sûr de vouloir changer le sujet comme ça ? faillit répondre Nakirée, mais l’assurance étrange de Miel l’intimida.
— Si je suis prêt ? Je suppose que oui, ricana Nakirée en observant son ange grâce à un œil situé sur son cou.
— Je serai là. Je garderai un œil sur toi, ria Miel.
Miel enveloppa Nakirée de ses ailes et le caressa de son regard rose si doux. La présence du chérubin archéo-technicien était un petit miracle pour Sicad. C’était l’archange-roi Pomiel, souverain de la petite planète, qui l’avait fait venir ici il y a presque mille ans, pour qu’el étudie toutes les machines de cristal utilisées sur Sicad. Les élohim locaux utilisaient ces systèmes cristallins depuis des millénaires, notamment pour maitriser l’écosystème de Sicad, mais les secrets de leur fonctionnement avaient été perdus dans les méandres de la guerre et du temps. Nakirée, issus des ingénieurs de l’Interracs, avait pour spécialité de redécouvrir ces secrets.
Cependant, à son arrivée ici, Nakirée avait été accueilli froidement par les gardiens de Sicad. Au début, seul Miel, dont les huit mille ans d’existence lui avaient surement appris la valeur du savoir, avait engagé Nakirée auprès d’el pour étudier les machines des anges. El avait ensuite convaincu Garviel, command'aile des puissances-soldats et Vélinel, premier ministre de Sicad, en charge des services étatiques. À présent, il était temps de convaincre les chérubins. Pour cet après-midi, Miel avait donc organisé un repas entre Nakirée et Luisiel : le haut-command'aile des chérubins de Sicad, planétologue réputé en exercice ici depuis des millénaires. Miel espérait que Luisiel abandonne enfin sa méfiance envers la chorale des Interracs, et engagerait enfin Nakirée à son service.
Miel porta son regard dans l’œil du cou de Nakirée. El loucha dessus et sembla s’y adresser très formellement.
— Tu ne dois pas être intimidé ou inquiet. Luisiel sait déjà à quel point tu as aidé mes chorales.
— Je ne leur ai pas appris grand-chose il me semble, se remémora Nakirée. Vous saviez déjà utiliser les boules de cristal mieux que moi.
Miel ricana. Les boules de cristal servaient à surveiller les créatures de Sicad à distance, les voir, les entendre, les sentir et surveiller la santé de leurs corps et de leurs âmes. Là était la mission des anges gardiens.
— C’est normal, les boules de cristal, c’est la base, rétorqua Miel. Mais tu nous as aidé pour tout le reste ! Toutes les machines du Sanctuaire, qui maitrisent le flux des âmes dans le puits central. Les scanners planétaires pour la surveillance de masse. Les interpréteurs de données. Les calculateurs automatiques d’élévation…
— Je sais, soupira Nakirée.
— Et tu as aussi appris bien des choses à Garviel, sur les armements, les défenses. Et à Vélinel aussi ! Pour ses ordinateurs portables et ses logiciels de traitement de texte.
Nakirée ricana à son tour. Miel continua à le taquiner.
— Grâce à toi on peut enfin envoyer bouler les chérubins du techno-support lorsqu’els nous demandent pour la troisième fois “Vous avez essayé de redémarrer le système ?” Tu nous as sauvés de leur incompétence. Les command'ailes t’aiment beaucoup !
— Ah tu penses ? ria Nakirée.
— Enfin, aucun ne t’aime autant que moi je t’aime.
Les flammes du halo de Nakirée s’agitèrent sous l’émotion.
— J’ai certes aidé vos chorales mais… Luisiel ne sera pas facile à impressionner, dit finalement le chérubin-interrac. El est très ancien. Ses connaissances dépassent grandement les miennes.
— El n’est qu’un planétologue, rappela Miel. Enfin, oui, el est très doué en biologie, en climatologie, et tout ça. Mais au fond el est comme les autres command'ailes. El ne connait pas bien les machines de cristal que ses chorales utilisent. El se sent largué. Comme moi je me sentais largué avant ton arrivée. Le problème c’est qu’el ne veut pas l’admettre.
Nakirée fit un demi-sourire énigmatique puis dit :
— Peut-être sera-t-el davantage préoccupé par l’approche de la horde…
— Oh par EL, soupira Miel en se levant. On va me casser les ailes avec cette horde toute la journée.
— L’inquiétude que nous ressentons tous est justifiée. La rumeur va faire des dégâts, le commandement a eu tort de garder cela secret.
— Ah bon ?! Donc on aurait dû inquiéter tout le monde en annonçant le passage de la horde, quitte à effrayer le peupl'aile avant le Nouvel An ? Els ont déjà peur qu'une nouvelle titanomachie se déclenche. Je ne peux pas abonder cette crainte. La horde n'est même pas titanesque, mais els l'auraient considéré ainsi de toute façon !
— Je prône la transparence, dit Nakirée. Je suis sûr que le peupl'aile sait faire la part des choses et qu'el aurait gardé son calme si on avait simplement expliqué…
— Ça se voit que tu n'as jamais géré des chorales d'anges ! coupa Miel.
Nakirée secoua la tête, soupira. El n'avait pas envie de se chamailler. Alors el embrassa une dernière fois son amant et partit au travail. Miel resta seul. Son sourire avait disparu. El retourna devant un miroir et tira sur ses joues.
⊗
— Nous devons nous concentrer sur les muffalos aujourd'hui, décréta l'ange-gardien Retirel.
— Leur concerto ascensionnel est prévu pour demain, nous avons encore le temps, répondit agacé un de ses collègues.
Dans le salon des Rêves, les conversations matinales résonnaient vivement, comme tous les matins depuis dix mille ans. Les anges-gardiens, qui servaient pourtant tous le même Grand Dessein, s'asseyaient dans les divans de soie brodée pour débattre, incapables de se mettre d'accord sur la marche à suivre.
— Vous négligez trop la préparation des esprits, s'emporta Retirel.
— Le hod n'est pas aussi important que ça ! Le netzach l'est davantage.
Miel ferma les yeux. La dizaine de lieutenants qui l'entouraient lui lançaient des regards furtifs mais insistants pour qu'el tranche enfin. Cependant, le command'aile suprême des anges était bien peu loquace ce matin. Alors qu'habituellement el rouspétait contre ses conseillers, el scrutait à présent le vide, ou peut-être les reflets scintillants des murs d'améthyste du salon. Un peu inquiets, ses lieutenants ne surent que renchérir dans leur conflit.
— Miel ? murmura Retirel pendant que les autres débattaient. Ça va ?
Le command'aile ne répondit pas. Comment fallait-il élever les âmes des mortels aujourd'hui ? Fallait-il stimuler leur hod : leur esprit, ou bien leur netzach : leurs émotions.
— Je propose de revenir aux fondamentaux, dit soudain une haute voix depuis l'entrée du salon.
Les lieutenants de Miel ignorèrent le nouveau venu et continuèrent à se chamailler. Seul leur command'aile daigna lever enfin son regard et son séant, pour aller s'incliner devant son roi.
— Votre Majesté.
Le halo de Miel scintilla en même temps que celui de l'archange-roi Pomiel. Deux fois plus grand que l'ange et doté de trois paires d'ailes immenses, le souverain dû se pencher pour entrer dans le salon. Le domaine de Miel n'avait pas les plafonds très haut, ce qui diminuait au moins un peu la résonance des chamailleries et des débats.
— Par EL, pesta l'archange en se redressant, arrangeant ses longs cheveux d'argent. Quel désordre ! Fais-les taire !
— Je les ignore facilement moi, répondit Miel, de sa voix fluette, en faisant une moue confuse.
— Pas moi ! Idiot ! Fait les taire par EL !
— SILENCE ! rugit soudain Miel en lançant un regard assassin à ses subordonnés.
Et le silence fut.
Miel se retourna vers Pomiel, tout sourire. L'archange gardait la tête baissée, juste sous le plafond.
— Vous nous conseilliez les fondamentaux votre Majesté ? reprit Miel.
— Le yesod oui ! Vos muffalos sont bien gentils mais ils se reproduisent à peine. Il faut revoir les capacités de leurs corps et de leurs instincts. Enfin, vous n'en faîtes qu'à votre tête...
Miel sourit, sans répondre. Ses conseillers retinrent des rires insolents. Eux qui se chamaillaient en permanence se moquaient maintenant tous ensemble de leur propre souverain.
— Finissons-en, dit l'archange.
Le halo mauve de Pomiel, aveuglant, s'étendit sur celui de Miel pour l'envelopper.
— Ma bénédiction contre ton serment du jour, réclama Pomiel.
Miel se mit à genoux et récita :
"Ô Grand Architecte des cieux éternels
Je prête serment à ton fils, roi-Pomiel
D'entretenir les âmes de son domaine
Et servir sous ses ordres le Grand Dessein"
Pomiel fit un demi sourire. Ses yeux pâles restèrent froids. Sans donner la moindre attention aux anges-gardiens, el se retourna difficilement et se plia de nouveau pour sortir du salon. Miel le suivit à quelques mètres derrière el, entrainant avec el ses lieutenants devenus bien sages. Pomiel avança dans un couloir de marbre violet, strié de veines d'or et de perles du Léthée. Ces dernières venaient du royaume de Yesod, royaume d'origine de Pomiel. Dès qu'el voyait ces perles, Miel se souvenait de sa première rencontre avec l'archange, de son sourire si haut, suffisant, de l'éclat moqueur et condescendant dans ses yeux. Même des millénaires plus tard, Miel ressentait toujours la frustration et le désespoir de ce jour d'injustice. El soufflait longuement du nez alors qu'une douleur vive pulsait dans ses mains et dans ses ailes. Mais sa pensée-blasphème restait dans son esprit, se cognant contre les parois de son crâne à défaut de pouvoir en sortir. Miel sourit tout de même, car la moquerie avait changé de camp.
Alors qu'els suivaient Pomiel, la petite troupe des anges gardiens entendit une clameur énorme monter vers eux. Le sourire de Miel grandit et grandit encore. Les élohim descendirent quelques marches d'un large escalier de marbre et se postèrent devant une grande porte. Ses battants et les murs de pierre qui l'entouraient tremblaient, retenant à peine la folie hurlante qui pressait de l'autre côté.
Après quelques secondes, les portes s'ouvrirent et Pomiel les franchit seul. El arriva dans le Hall des Rêves. Grand de plusieurs kilomètres carrés, l'endroit était creusé à même une géode d'améthyste géante. Tous les matins et tous les soirs, les anges-gardiens de Sicad s'y réunissaient pour prier tous ensemble et attester du serment du jour ou de la nuit de leur command'aile, Miel. La prière marquait le début de leur garde. Quand Pomiel se présenta seul face à la foule, sur l'estrade qui la surplombait, la clameur s'atténua, devenant solennelle et timide. L'archange-roi, la mine fermée, ne dit rien au peuple des anges, qui représentait pourtant la grande majorité de ses sujets. El se contenta de s'assoir sur un trône, creusé dans un prisme d'améthyste.
Miel fit alors son entrée en émergeant du côté gauche de l'estrade. La clameur des anges s'abattit sur el comme une pluie battante d'amour. Miel ne réagit pas tout de suite. Ses yeux montèrent vers les hauteurs de la géode. Des petites étoiles lumineuses parsemaient le violet profond du minéral, formant des constellations. L'une de ces constellations représentait un gros éloha au sourire sage et affable : Wolsiel, premier roi de Sicad. Le défunt souverain avait la main posée sur l'épaule d'un petit ange… En observant son père, le regard de Miel s'adoucit, d'un éclat enfin heureux, soulagé, réconforté. Quand el baissa les yeux sur le peuple des anges, une joie merveilleuse porta tout son être. Leurs halos mauves formaient une mer de lumière féérique.
“ Miel ! Miel !”
La clameur des élohim devint une fête euphorique. Les anges acclamèrent leur command'aile en criant, à la fois de vive-voix et dans le réseau EL, faisant vibrer l'air et la matière.
Perché sur l'estrade, dos à Pomiel, Miel déploya toute l’envergure de ses ailes et étendit la lumière de son halo mauve. Les anges l'acclamèrent encore. Mais soudain, le visage de Miel se crispa, sa bouche et sa gorge tendues par l’envie de hurler pour annoncer la glorieuse révélation. Un grondement menaçant retentit dans les profondeurs de l'esprit de Miel.
Silence, il est encore trop tôt.
Alors Miel, comme tous les matins, récita le cantique des élohim :
“Nous sommes les gardiens du Créateur
Son corps nous reconstruisons
Son âme nous recomposons
Sa Création nous gardons en son nom”
S'ensuivit une prière au Grand Architecte, un des fils d'EL en personne, ancêtre de tous les anges. C'est ce moment que Pomiel choisit pour s'éclipser. Comme d'habitude, personne ne le remarqua. Miel chanta :
"Ô Grand Architecte des cieux éternels
Garde sous ton aile nos merveilleuses créatures
Ouvre nos cœurs à leurs joies et souffrances
Pour que nous guidions leurs âmes dans leur dernier voyage
Jusqu'à la Couronne du Créateur, son ultime âme-halo !"
"Une Âme, un Dieu !" chantèrent les anges. "Une Âme, un Dieu !"
Miel leva les bras. Le Hall des Rêves se mit à trembler. La géode d'améthyste commença à se fissurer et peu à peu, le minéral se brisa. Ses fragments montèrent dans les cieux, révélant ainsi l'extérieur : les sommets enneigés des montagnes. Alors que les morceaux de roches lévitaient tout autour, les anges déployèrent leurs ailes et sautèrent dans le vide pour rejoindre la surface de Sicad, deux kilomètres plus bas. Leurs chants éthérés montèrent vers les cieux et descendirent vers Sicad, annonçant aux mortels leur venue.
Miel s’approcha à son tour de l'extérieur et se retrouva perché juste au-dessus du vide. El contempla les soleils levants (Sicad tournait autour de deux étoiles) et étendit ses ailes. Son halo de lumière mauve grandit, encore et encore, jusqu’à rivaliser toute autre source de lumière.
— Anges de Sicad, appela Miel. Gardiens des âmes, du jour ou de la nuit, restez éveillés. Servez le Grand Dessein.
Tous les anges de Sicad, qu’els soient au pied des montagnes ou de l’autre côté de la planète, entendirent les paroles et virent la lumière de Miel, portée par le réseau EL. L’ange déploya ses ailes et se laissa tomber dans le vide. El plana sur les nuages en direction de l’ouest, puis plongea au travers. Une vallée se révéla alors à ses yeux, vaste et verdoyante.
Encadrée par d’imposantes montagnes, la vallée était un écrin de tranquillité qui abritait le pinacle de la nature sicadienne. La faune et la flore qui y vivaient avaient été créées par les anges et les chérubins, pour accueillir au mieux les fragments de l’âme d’EL. L’objectif était de permettre à ces derniers d’acquérir peu à peu un niveau de conscience suffisant pour stopper leur réincarnation et leur faire rejoindre définitivement le reliquat d’EL, niché sur son trône au sommet de la Création.
Au lever du jour, les anges de la nuit, qui gardaient les créatures sous la lueur de la lune et des étoiles, laissaient place aux anges du jour, sujets des deux soleils de Sicad. Leur surveillance des âmes était permanente. Miel observa leurs halos roses envahir la vallée, la plongeant dans une lumière féérique. Sous le regard du command'aile, la garde commença.
Miel vola au-dessus de la plaine quelques minutes avant de se poser dans les hautes herbes. Immédiatement, une infinité de paillettes lumineuses l’enveloppèrent, portées par la brume matinale. Ces lucioles infinitésimales étaient les âmes les plus primitives de Sicad, incarnées dans de tout petits corps. Elles étaient des microorganismes, des bactéries, moisissures et autres microbes. Toutes ces créatures minuscules brillaient partout dans la terre, l’air, l’eau. Les élohim les appelaient “âmes étincelles”. Leurs cycles de vie étaient incroyablement rapides, leur réincarnation quotidienne. Mais aucun ange présent ne portrait vraiment attention à ces créatures minuscules.
“Ne délaissez pas les âmes étincelles”, ordonnait souvent Miel. “Elles sont les embruns enflammés d’EL, les créatures primordiales qui nous ont fait venir ici. Le plus ancien des savoirs réside en elles. D’elles descendent toutes les créatures que vous avez inventées”
Les âmes étincelles étaient anciennes, mais trop simples. Les anges préféraient les végétaux si riches et nombreux, qu’els avaient créé eux-mêmes. Miel observa la prairie luxuriante autour d’el, parsemée de fleurs sauvages. La lavande mauve, les marguerites dorées et les coquelicots éclatants ajoutaient des éclaboussures de couleurs vives au paysage verdoyant, créant une scène presque pittoresque. Les pétales délicats de ces fleurs se balançaient doucement dans la brise, diffusant un parfum sucré qui embaumait l'air et enchantait tous ceux qui passaient, élohim et créatures. Mais ce parfum, inventé par Miel el-même, avait une utilité. Il attirait les insectes pollinisateurs, assurant une reproduction efficace de ces plantes.
Ainsi, les anges-botanistes s'affairaient là, cueillant les âmes comme des fleurs. Leurs vies étaient saisonnières, toujours très courtes du point de vue des immortels élohim. Mais sur les flancs de la vallée, des forêts denses abritaient des arbres centenaires. Leur canopée dense ne laissait que peu de lumière passer, projetant des faisceaux dorés sur le sol de la forêt en dessous. Miel se réfugia là quelques instants. El écouta les chants des créatures animales : les sifflements des belettes-ailées, les couinements des olapins bondissants et le souffle saccadé d’un chachien. Et au loin résonnaient les mugissements des muffalos. Ces énormes bovins à six pattes, couverts d'une laine légère et douce, descendaient des monts vers le centre de la vallée en troupeaux de milliers d'individus. Les plus grands, dans la fleur de l'âge, menaient le troupeau vers la plaine herbeuse, où les muffalos se repaitraient toute la journée. Au centre du troupeau, les petits étaient surveillés par les parents les plus tendres et vigilants du groupe. Les anges volaient au-dessus d'eux sans intervenir, mais des groupes de principautés chantaient dans les airs. Les esprits des muffalos grandissaient peu à peu alors que leur inconscient écoutait ces chants mystiques. Leurs émotions s'élevaient dans le ravissement et se partageaient, donnant naissance à l'empathie. Le hod et le netzach grandissaient chez les muffalos, à un tel point qu'els atteindraient bientôt le tiphéreth, la pleine conscience, le soi.
En les voyant, Miel ressentit un bonheur pur, celui d’une mère ou d’un père retrouvant ses enfants après une longue nuit de sommeil. Son jardin de Sicad était plus superbe encore que ceux exposés à Éden, même s’il ne contenait pas d’extravagantes rivières de lait et de miel.
Miel suivit les clapotis d’un ruisseau non loin pour y trouver une eau fraiche et cristalline, qui descendait des montagnes, regorgeant de vie. Des poissons gracieux glissaient sans effort sous la surface, tandis que des libellules planaient au-dessus, leurs ailes irisées aussi l’œuvre de Miel el-même. Le cours d’eau était bordé de mousse pourpre et de roseaux cours, offrant un abri à une multitude de créatures aquatiques.
Mais alors qu’el contemplait ce si joli paysage, Miel vit le ruisseau changer. Son eau si pure devint noire et coula plus doucement, freinée par sa viscosité soudaine. Les poissons qui y nageaient s’agitèrent, leurs écailles devenues suintantes, leurs bouches pleines de crocs. Les libellules, sèches et vides, se mirent à vrombir, leurs morsures pleines de poison.
— Command'aile Miel ? salua un ange-zoologiste dans les parages. Vous allez bien ?
Miel battit des paupières. El réalisa que sa gorge était serrée, étouffée par un sanglot qui refusait de sortir. Ses mains tremblaient légèrement. El regarda l’ange, puis le ruisseau, redevenu normal.
— Je vais bien, sourit Miel.
— Vous avez l’air bien mélancolique, s’inquiéta l’ange. Quelque chose vous inquiète ?
Miel soupira, mais ne put s’empêcher de sourire face à la curiosité invasive que tant de ses anges avaient.
— C’est les rumeurs sur la horde qui vous tracassent, n'est-ce pas ? dit soudain l’ange. Des démons passeraient près de chez nous ?
Le sourire de Miel se figea. L’éclat d’amusement qui brillait dans ses yeux roses s’éteignit.
— Non, souffla le command'aile. Je suis venu me ressourcer auprès de mes créatures pour profiter du calme avant la fête de ce soir c’est tout.
— C’est une très bonne idée, fit l’ange, enchanté, l’air un peu rassuré. Comme le dit le séraphin Burrhus tous les matins : il faut que nous restions concentrés sur notre travail. C’est ce qui nous rend heureux.
— Retourne donc au travail, ange, ordonna Miel, masquant difficilement son agacement.
— Els vous attendent aux monolithes, dit alors l’éloha.
Miel ouvrit grand les yeux sous la surprise. El s’éloigna d’un pas rapide, car ses tremblements gagnaient peu à peu tout son corps. À la lisière de la forêt, el vit de nouveau les montagnes et le Sanctuaire des élohim, tour immense construire à même la roche grise. Un jet de lumière blanche pulsait à son sommet. Il canalisait toutes les âmes récoltées par les anges sur Sicad et les propulsait vers les royaumes supérieurs, les "Cieux", les dimensions plus hautes de la Création, où elles continueraient leur chemin vers EL. La majorité de ces âmes allait être réincarnée, mais une petite partie d’entre elles, suffisamment conscientes, s'uniraient à l’entité originelle : EL le créateur brisé, pour contribuer à son retour.
En observant l'ascension des âmes, auquel el avait contribué pendant près de huit mille ans, Miel grimaça nerveusement. Assez de distractions. L’heure des révélations était venue. Miel serra des poings et décolla. El s’enfonça plus loin dans la plaine, croisant des centaines d’anges sur son passage, tous heureux et souriants, excités à l’idée de fêter très bientôt le nouveau millénaire. Le command'aile leur sourit, partageant la lumière puissante de son halo avec eux, les félicitant pour leurs travaux. Mais el continua à voler, jusqu'à arriver devant d’étranges monuments : les monolithes de Sicad.
Les monolithes étaient un ensemble de structures rectangulaires, dressées sur une aire de cinq kilomètres de long au milieu de la plaine. Ils étaient grands d’une vingtaine de mètres chacun, et leur surface était noire et huileuse. Les élohim de Sicad ne connaissaient pas leur origine précise, ni leur fonction. Els savaient cependant qu’ils avaient été érigés par d’autres élohim il y a fort longtemps, à l’époque de l’âge d’or du Tikkun. Nakirée, grâce à ses talents d’archéo-technicien des Interracs, avait estimé leur âge entre huit mille et neuf mille ans. Un peu plus vieux que Miel el-même donc, qui savait que sous ces monolithes étaient cachées des galeries souterraines. Mais elles étaient condamnées depuis la Seconde Brisure, pour des raisons inconnues des élohim.
En observant les monolithes, Miel souffla du nez. Parmi les ombres, deux êtres marchaient bras dessus bras dessous. L’un était un grand et large éloha au halo bleu, dont le torse nu était couvert de tatouages rouges. L’autre était bien plus exotique. Dénué d’ailes, el était coloré d’or de la tête au pied, sa tête cachée sous une large capuche. Arrivant devant eux, Miel sentit ses jambes faillir, ses ailes s’affaisser.
— Seigneur Tsekali, dit el pour saluer la puissance.
Puis el se tourna vers le partzuf.
— Sainte Nukvah. Je… je ne sais…
— Cela fait beaucoup d’informations pour une introduction, dit soudain Tsekali à Nukvah, ignorant complètement Miel, ne lui adressant pas même un regard.
— J’ai l’habitude, répondit le partzuf en souriant, ignorant el aussi Miel.
— Le reste de la journée sera tout aussi intense en données, gronda Tsekali. Beaucoup de concepts à digérer, de personnages à rencontrer. C’est sans doute trop. Tu trouveras aussi des incohérences dans leurs comportements.
— Je sais bien Tsekali, soupira Nukvah en secouant la tête. Nous n'en sommes pas à notre premier rodéo tous les deux.
Miel secoua légèrement les ailes, n’osant pas s’exprimer plus ostensiblement pour susciter l’attention de ces êtres.
— Pourquoi t'infliges-tu cela ? demanda Tsekali à Nukvah. Moi je sais tout car je fais partie de l’univers mais toi… toi tu pourrais simplement ignorer…
— C’est une question de sens Tsekali, dit Nukvah. Je ne suis pas qu’une machine.
C’est alors que dans le réseau EL, Miel reçut un appel. C’était Nakirée qui le contactait télépathiquement. Comme si de rien était, l’ange décrocha.
— Mon amour ? Ça va ? s’inquiéta Miel.
— Euh, oui. Mais… On va devoir annuler notre petite rencontre de cet aprèm avec Luisiel là.
— Pourquoi ?
— Il y a un problème chez les chérubins-télécom. Els ne captent plus les communications venues du cosmos.
— Ah…
Miel leva les yeux. Nukvah et Tsekali poursuivaient leur ballade un peu plus loin. Els regardaient le ciel.
Miel en était sûr à présent. La nuit à venir serait sans étoiles.