Chapitre 14

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Michaël flottait dans l'immensité du cosmos de Malkouth. Au-dessus d'el, le jeune prince sentit la présence de Nukvah. Long de centaines de millions d'années lumières, le partzuf occupait la moitié de l'univers visible. Mais Michaël ne s'en préoccupa pas. Devant el, Constantiel flottait el aussi, paisiblement endormi. L'ancien bras droit de Raphaël était encore enveloppé de son armure d'or, sa lame des Interracs à la main. Nukvah souffla et le songe de Michaël se couvrit d'une blancheur absolue.

Michaël sursauta et se redressa dans son lit-œuf. El s'en extirpa pour s'effondrer au sol et comme tous les matins depuis dix jours, vomir. Nana se précipita auprès de son protégé. La vertu de Géhenna afficha comme toujours une gentillesse étrange envers Michaël. El restait aux petits soins pour le jeune prince, malgré l'humeur d'adolescent saoulé de ce dernier.

Par la suite, les médecins entrèrent, examinèrent Michaël et ajustèrent son plastron. Puis Michaël se recoucha. Une heure plus tard, Sasha vint le chercher et le mena au nid des plaisirs, où el prit soin d'el par l'amour émotionnel et physique. Par la suite, Sasha partit chanter pour les élohim, présentant sans cesse son nouveau hit. 

Viens, mais ne viens pas quand je serai seul

Quand le rideau un jour tombera,

Je veux qu'il tombe derrière moi.

Michaël n'était pas d'humeur à danser. Isolé dans une chambre, el contempla le reste de la journée un hologramme du Domitia, dont la sphère de navigation était maintenant libérée et opérationnelle. El admira les allers-retours des élohim chantants, qui travaillaient à tout rétablir dans le vaisseau-monde. Même après trois semaines, la traque des démons se poursuivait. Mais tout semblait se passer à la perfection, dans la joie et l'optimisme. Si bien que le soir venu, Michaël sortit déguisé avec Sasha pour dîner dans les restaurants les plus prisés du Domitia, où les élohim festoyaient. Une fois l'estomac bien remplit d'ambroisie, d'ichor et surtout, de jus de grenade, Michaël rentra dans ses appartements de nobl'aile, où Nana l'attendait. Le Fitzarch s'endormait alors, la mélodie de Sasha résonnant dans son esprit. 

Viens mais ne viens pas quand je serai seul

Moi qui ai tout choisi dans ma vie

Je veux choisir ma mort aussi.

Des visages apparurent dans les songes de Michaël. Les visages des capit'ailes, gelés par la froideur absolue du vide céleste. Els flottaient, morts, les yeux encore ouverts, dans l'espace infini. 

La journée suivante se déroula exactement comme la précédente. Lever, vomit, médecins, Sasha, hologramme, festin. Et cela continua, si bien que Michaël ne compta plus le passage du temps. El débrancha son esprit et ne fit que consommer ce qu'on lui donnait, observer ce qu'il se passait. Une passivité. Un anéantissement ponctué par la mélodie de Sasha et des songes étranges. 

Ma vie a brûlé sous trop de lumière

Je ne peux pas partir dans l'ombre

Moi je veux mourir fusillé de lasers

Devant une salle comble

Dans les songes de Michaël, Les corps inanimés des capit'ailes dérivèrent peu à peu vers le Pilier du Jugement, attirés par sa gravité incommensurable. Bientôt, ils disparurent dans les creux de l'espace-temps comme dans une broyeuse. Anéantissement. Lever, vomit, médecins, Sasha, hologramme, festin.

Moi je veux mourir sur scène

Devant les projecteurs

Oui je veux mourir sur scène,

Les cœurs ouverts tout en couleur

Lever, vomit, médecins, Sasha, hologramme, festin.

Lever, vomit, médecins, Sasha, hologramme, festin.

Lever, vomit…

— Vous êtes débiles ou quoi ?!

Michaël se redressa et s'allongea sur son lit. El entendit Nana crier dans la pièce voisine. L'esprit du jeune Fitzarch émergea un peu, suffisamment pour écouter ce qu'il se passait. 

— Nous sommes navrés, vertu Nana, dit l'un des médecins, dont Michaël reconnu la voix. La transplantation est impossible sans le dispositif.

— Vous n'êtes pas foutus d'avoir ce qu'il faut ! rugit Nana, la voix raillée par la furie. Comment c'est possible ?! On est dans un vaisseau monde ! 

— L'hôpital a été très endommagé par les démons. Nos machines sont hors service.

— Et vous me dites ça maintenant !

— Nous avons exploré tout le Domitia pour essayer de retrouver la machine nécessaire à l'implantation, mais nous n'avons pas trouvé…

— Incapables !

Quelques instants plus tard, les vertus-médecins vinrent faire leur examen quotidien de Michaël, qui fit semblant de dormir. 

— El pourra être opéré à Guebourah dès son arrivée.

— Foutez le camp ! Vous servez à rien, alors foutez le camp !

Une fois les médecins partis, Nana se pencha au-dessus de Michaël, qui feignait encore le sommeil. La vertu de Géhenna passa sa main sur le visage juvénile du Fitzarch et se mit à murmurer.

— Phosphoros... Phosphoros... Vilanel m'avait prévenu que ton retour serait mouvementé. Je souffre mais je ne m'ennuie plus. Merci, Phosphoros, merci...

Le reste de la journée se déroula normalement. 

Lever, vomit, médecins, Sasha, hologramme, festin.

Lever, vomit, médecins, Sasha, hologramme, festin.

Lever, vomit, médecin…

— T'as tout saboté stupide putain !

La voix de Nana s'éleva de nouveau en début de matinée, portée par la fureur.

— J'ai rien à voir là-dedans ! protesta Sasha. 

Immédiatement, Michaël se redressa, la mine hantée. Dans une pièce voisine, une nouvelle dispute résonnait

— Ça s'est passé dans ton nid ! accusait Nana. Zinebiel le sait et moi aussi !

— Els se sont enfui ! Et alors ?! protesta Sasha. Els ont magouillé dans leur coin et utilisé mon club. Mais je n'étais pas impliqué ! Je ne suis pas parti ! 

— Tu les a laissés partir !! 

— Que voulais-tu que je fasse ?! dit Sasha. J'ai prévenu Zinebiel dès qu'els se sont envolés ! Pourquoi on remet la faute sur moi ?!

— Les capit'ailes devaient rester ici ! C'était crucial !

— Crucial ?! s'indigna Sasha. On a pas besoin de ces lâches ! Els étaient si inutiles que leur départ n'a rien impacté ici !

— Tu ne sais rien !

— Je ne veux rien savoir de tes complots, vertu de Géhenna !

— Sasha ? appela soudain Michaël. Tu es là ?

La principauté entra dans la chambre du Fitzarch avant que Nana ne puisse lui barrer la route. 

— Tu es prêt ? demanda Sasha en arrivant au chevet de Michaël. 

— Pas de sortie aujourd'hui ! interdit alors Nana. Surtout pas dans le nid des plaisirs !

Michaël ignora la vertu et suivit Sasha hors de sa chambre. Le reste de la journée se déroula normalement : Sasha, hologramme, festin.

Je veux mourir sans la moindre peine

Lors d'un dernier rendez-vous

Moi je veux mourir sur scène

En chantant jusqu'au bout

— La disparition des capit'ailes pose un problème ? demanda soudain Michaël à Sasha lors de leur dîner. 

— Non, sourit Sasha. 

— Je t'ai entendu te disputer avec Nana ce matin. 

La principauté ne répondit pas tout de suite, prenant soin d'ajuster son expression pour afficher une parfaite sérénité. 

— C'est vrai que… Que cela a causé quelques problèmes organisationnels mais rien d'insurmontable. 

— Mais on t'accuse d'y être pour quelque chose ?

— Eh bien, ria Sasha. C'est plutôt Nana qui avait quelque chose à voir avec ces capit'ailes. El est complètement paniqué depuis qu'els sont… partis. Et el est bien le seul. 

— Zinebiel n'est-el pas bouleversé aussi ?

— Non, pas vraiment. El est juste triste d'avoir été trahit ainsi, ou plutôt, abandonné. Mais el avait déjà prévu cette éventualité. 

— Pourquoi t'en veut-el alors ?

Sasha souffla doucement par le nez, les yeux baissés. 

— El sait que… el sait que je les ai laissés partir, d'une certaine manière. Je lui avait promis de garder l'œil. Je devais le prévenir avant… Mais… Écoute, ce qui est fait est fait. Mon avenir continuera à Guebourah plutôt qu'à bord du Domitia finalement, je pense. 

Michaël battit des paupières, prit une grande respiration. Sasha profita de son silence pour changer de sujet. À la fin de la soirée, Michaël rentra dans son nid royal, seul. Nana était endormi. Des dizaines de bouteilles vides de jus de grenade jonchaient au sol autour d'el. Mais Michaël, au lieu d'aller se reposer dans son lit ou d'aller dormir dans son lit-œuf, se cacha dans sa salle de bain. El se recroquevilla sous l'évier et poussa un long cri d'agonie, étouffé sous ses ailes repliées sur el. Des sanglots violents firent trembler son corps frêle, sous une cascade de larmes. Depuis plus de deux semaines maintenant.

Le lendemain : lever, vomit, médecins, Sasha, hologramme, festin.

Moi je veux mourir sur scène

En chantant jusqu'au bout

Mourir sans la moindre peine

D'une mort bien orchestrée

Moi je veux mourir sur scène

C'est là que je suis né



Un dernier rendez-vous, pensa Michaël en s'installant à table. 

Sasha arriva quelques minutes plus tard, dans une robe dorée pailleté qui le faisait scintiller à des kilomètres à la ronde. Chaque soir, la principauté apparaissait plus belle encore que la veille aux yeux de Michaël. Comment était-ce possible ? EL seul le savait.

— Comment vas tu depuis tout à l'heure ? demanda Michaël, fasciné.

— Depuis que tu m'as retourné ? ria Sasha. Oh très bien.

— Je te retourne tous les jours et tous les jours tu vas très bien, constata Michaël.

— À vrai dire aujourd'hui, ça va extra bien. 

— Pourquoi ? sourit Michaël.

— J'ai participé au conseil des capit'ailes, expliqua Sasha. Enfin, les capit'ailes n'étaient pas là évidemment. Mais on avait tous les navigateurs.

— Els se remettent bien de leur longue quarantaine ?

— Oh oui, els sont très, très stables mentalement. Les choses n'ont pas été trop difficiles pour eux lors de l'assaut des démons du temps.

— C'est ce que j'ai entendu, dit Michaël.

— Ces costauds les ont démontés en quelques instants. Il s'avère qu'els-mêmes s'étaient juste isolés par prudence. Mais els ont eu raison, des milliers de démons pressaient contre la Sphère. 

— Tout est bien qui fini bien, commenta Michaël. Et avec Zinebiel ?

— On va faire une séparation par consentement mutuel, comme on dit, annonça Sasha, plein d'assurance.

Mais la joyeuseté de la principauté était factice. Michaël le vit clairement dans le scintillement de son halo, dans le tiraillement des muscles de son si beau visage. 

— Zineb et toi, vous devez vous réconcilier, dit Michaël. Tu aimes le Domitia plus que tout, je le sais. Tu ne peux pas partir.

Sasha secoua la tête, fataliste. Michaël dit alors :

— Je vais faire en sorte que vous vous réconciliiez de toute façon.

— Ah ? 

— Je vais aller avouer ce que j'ai fais à Zinebiel, annonça Michaël à son amant. 

Sasha ouvrit grand les yeux, horrifié. 

— Ce que tu as fait ? murmura-t-el.

— Je vais lui dire que c'est moi qui ai fait disparaître les capit'ailes, dit Michaël. 

— Tu n'as vraiment pas besoin de faire ça, souffla Sasha.

— Je dois soulager ma conscience. 

— Tu... tu... oh Michaël, soupira Sasha.

— Je les ai tués, dit le Fitzarch, le visage figé, la voix étouffée. J'ai commis des meurtres.

Sasha secoua la tête en regardant ailleurs, comme pour ne pas faire face à la terrible vérité exposée par Michaël. 

— J'irai confesser et je me soumettrai au châtiment que Zinebiel considérera comme adapté. 

— Non ! s'étrangla Sasha en rivant soudain ses yeux ambre dans ceux de Michaël. N'oublie pas ta mission ! N'oublie pas que Guebourah a besoin d'un Fitzarch fort et courageux comme toi ! N'abandonne pas les élohim de ce royaume juste parce que tu as toi-même châtié des lâches. À Guebourah, els auraient été exécutés pour la faute qu'els ont commis de toute façon. Tu n'as pas commis de péché.  

— Je n'avais pas l'autorité nécessaire pour leur donner la mort. Seul EL peut ordonner cela. 

— EL œuvre à travers toi, dit Sasha. 

— J'ai tué, dit Michaël. Élohim contre élohim. Une abomination. Et ce n'était pas la première fois que… que je cause la mort. C'est déjà arrivé, avec Constantiel à Sicad. Je l'ai abandonné dans le cosmos, inanimé. Et même avant… Même avant ça, quand j'était plus jeune, je crois que certaines choses se sont passées. Je ne m'en souviens plus car Raphaël a voulu me préserver mais je le sens. Je suis un tueur d'élohim. Un assassin. 

— Oh par EL, soupira Sasha. Ce n'est vraiment pas un hasard que Géhenna s'occupe de toi... 

— J'avouerai tout à Zinebiel mais je t'innocenterai aussi, ajouta Michaël. C'est la juste chose à faire.

— Techniquement je suis ton complice Mika, rappela Sasha. Je t'ai laissé seul avec les capit'ailes en sachant parfaitement ce que tu allais leur faire.

— Non, je prends l'entière responsabilité de ce qu'il s'est passé, insista Michaël. Je ne dirai rien d'incriminant sur toi. Je dirai que tu es parti bien avant que je n'agisse. Que tu n'es pas impliqué. 

— Michaël ! Non ! Je t'en prie, ne dit rien ! La meilleure chose à faire est d'oublier cet événement et d'avancer. Cette culpabilité ne te ressemble pas. 

Michaël fronça des sourcils.

— Tu dis que je ne suis pas capable de me sentir responsable des choses ?

— Non ! Enfin… Tu dois avancer ! Juste avancer ! Pour le bien des élohim !

Michaël se leva soudainement et se précipita vers la sortie du restaurant.

— Mika ! Attend ! Je dois t'avouer moi aussi…

Trop tard. Michaël, propulsé par sa lumière de Fitzarch, fendit les airs à une vitesse hallucinante, inégalable. Sasha resta à table, figé, ses couverts à la main. El les laissa tomber et souffla :

— Par EL…

El sortit sa boule de cristal et appela Nana. 



— Michaël ! Michaël ! Viens par ici salopiot !

Nana battit violemment des ailes pour rattraper le jeune Fitzarch. Mais trop tard, ce dernier entra dans le complexe du Ministère, siège des dominations. El se faufila agilement parmi la foule, mais au lieu de se diriger vers l'immense salle de conférence, el chercha l'entrée des coulisses. Nana toujours à ses trousses, Michaël explora les couloirs réservés au personnel pour enfin arriver au niveau de l'arrière scène. De nombreux élohim qui travaillaient le regardèrent, les yeux grands ouverts par l'étonnement. Mais la surprise laissa vite place à de grands sourires.

— Votre altesse ! saluèrent les élohim, les yeux remplis d'admiration.

Els n'osèrent pas s'approcher de Michaël, comme intimidés par son aura, mais els ne cessèrent de le saluer et de le remercier. Confus, Michaël n'adressa que des regards et des hochements de tête polis. El se concentra sur sa mission, sa confession. El chercha le halo de Zinebiel à travers le réseau EL. La domination était seule sur la scène, se préparant à une conférence qu'el allait surement donner. Michaël s'avança, passa les rideaux des coulisses et entra dans la lumière. Immédiatement, une clameur assourdissante s'abattit sur le jeune Fitzarch. El s'immobilisa, glacé. Zinebiel se tourna vers el et annonça :

— Le champion du Domitia ! Michaël Fitzarch !

Le public se leva et ovationna Michaël. La salle était comble. Des millions d'élohim se trouvaient là, et des millions encore voyaient la scène à distance, dans le réseau EL. Le monde physique et le monde virtuel s'unirent dans la clameur, qui fit vibrer le Domitia tout entier. 

— Michaël ! Michaël ! Michaël ! chantèrent les élohim en applaudissant à tout rompre. 

Voyant que le jeune Fitzarch était paralysé par le choc, Zinebiel s'approcha d'el et passa un bras dans son dos. El emmena Michaël vers une paire de fauteuils, où els s'installèrent. Els attendirent quelques minutes pour que le public se calme suffisamment avant d'entamer une conversation. Zinebiel sourit encore, le regard pétillant.

— Première question Michaël, très importante, comment vas-tu ?

— Bien, répondit le jeune Fitzarch sans savoir où poser son propre regard. 

— Tu as subi une grave blessure lors de ton incroyable assaut de la Flèche. Comment se passe ta convalescence ?

— Les médecins du Domitia s'occupent bien de moi, dit Michaël en posant une main sur son plastron. 

— Gloire à nos vertus-médecins ! clama Zinebiel. 

Le public applaudit de plus belle dans une grande clameur. Michaël envoya un regard urgent à Zinebiel, qui voulu le rassurer. 

— Michaël, reprit Zinebiel. Les élohim du Domitia te sont éternellement reconnaissants car tu leur a sauvé la vie. Ton courageux assaut de la Flèche, que tu as mené seul ! Seul ! Nous a délivré des ténèbres ! 

La clameur des élohim remonta, rendant Zinebiel inaudible. Un long moment passa avant qu'el ne puisse continuer.

— Et tu m'a sauvé la vie ! Michaël ! ajouta la domination encore assourdie par l'ovation. 

Michaël sourit, figé par la stupéfaction. 

— Où as-tu trouvé le courage de mener l'assaut, Michaël ? demanda finalement Zinebiel. Comment as-tu fait ?

— Je n'ai fait que mon devoir, dit Michaël d'une voix un peu éteinte. 

— Ton devoir ? reprit Zinebiel. 

— Je considère qu'en tant que vertu militante de deuxième génération, mon devoir est de protéger ceux qui sont plus vulnérables que moi, expliqua Michaël. Mes pouvoirs sont innés. Ils m'ont été offerts par EL dès ma naissance. C'est un grand privilège qui doit s'accompagner de grandes responsabilités. 

Les applaudissements et la clameur reprirent de plus belle, pour conclure chaque parole du Fitzarch. 

— Mais on nous apprends tout le temps que les nobl'ailes doivent protéger leur graine lumineuse pour assurer l'avenir des élohim, s'amusa Zinebiel. Els ont la responsabilité de lutter contre la dilution. Ne préfèrerais-tu pas contribuer à cela ?

— Mes frères Fitzarch ont bien des exploits derrière eux, des moments de bravoure. La plupart d'entre eux ont choisi de porter l'avenir des élohim sur leurs ailes en faisant fleurir leur graine. C'est une noble cause. Moi aussi j'ai une cause, mais c'est celle du combat. Je veux être sur le front, contre les démons. C'est un choix, c'est tout. 

— C'est un choix plutôt rare mais très courageux, fit Zinebiel. Est-ce que c'est ce choix qui a causé ton... ton parcours récent à Kokab ? Disons-le clairement : est-ce la cause de ton conflit avec l'archange Raphaël ?

Les élohim du public se mirent soudain à huer. 

— Raphaël le lâche ! crièrent-els. Raphaël le lâche ! Raphaël le lâche !

— Je suis très reconnaissant de l'enseignement que m'a donné Raphaël au sein d'Ennead, apaisa Michaël. Cette chorale est remplie d'élohim nobles et courageux. Mais en effet, nous pourrions dire que nos visions de l'avenir étaient différentes. Et c'est pourquoi j'ai décidé de quitter Ennead pour m'engager à Guebourah. 

— Michaël ! Champion ! chanta le public. Michaël ! Champion ! Michaël ! Champion ! 

— C'est vous les champions, sourit Michaël, sans bouger d'un iota de son fauteuil. C'est vous qui avez réussi à reprendre la sphère des navigateurs. 

— Il m'a semblé que tu étais frustré de ne pouvoir participer à ce combat, ria Zinebiel. 

— C'est vrai, dit Michaël. À mon grand regret, j'étais encore en convalescence et je ne pouvais pas retourner au combat. Mais j'ai eu confiance en vous, élohim de Hod et du Domitia. Vous avez magnifiquement repris la Sphère. 

Nouvelle ovation. Michaël cessa soudain de respirer. Son cœur solitaire, sous le plastron qui couvrait la poitrine, battit douloureusement. Michaël sentit une émotion très forte, à la nature indicible, monter dans son corps, le saturant. Zinebiel perçut le trouble du jeune Fitzarch. El se leva pour le raccompagner en coulisse. 

— Notre cher Michaël est encore très fatigué ! annonça-t-el. Laissons-le se reposer !

Michaël se laissa raccompagner sans broncher, affichant encore son sourire figé. Dans les coulisses, Zinebiel prit le jeune Fitzarch dans ses bras. Les mains sur ses épaules, el dit :

— Tu es mon champion Michaël, mon champion. Je suis infiniment fier de toi, et reconnaissant bien sûr. Le Domitia sera tiens à Guebourah. Tu as mon allégeance. 

Michaël battit des paupières, aussi choqué que perdu. El se sentit déconnecté de ses environs, flottant sans rien maitriser. El comprit alors que son corps et sa voix agissaient avant même qu'une pensée ne traverse son esprit. Ses instincts le dirigeaient, faisant en sorte de paraitre le plus normal possible pour couvrir une triste vérité. Michaël se concentra, essayant de reprendre le contrôle d'el-même. El balbutia :

 — Mais…

— Tu ne dois pas te faire de soucis, insista Zinebiel. Saches que tout ce qu'il s'est passé récemment, même les choses les plus étranges, sont de ma volonté. 

— Quoi ? souffla Michaël. 

Zinebiel lui fit un clin d'œil avant de retourner sur la scène, poursuivre sa conférence. Michaël resta stupéfait. Soudain, le rire de Nana résonna dans les coulisses. Michaël trouva la vertu dans un coin, hilare. 

— Tu es encore en train de péter un câble, murmura Michaël. Tu sais pas te contrôler. 

— C'est l'hôpital qui se moque de la charité ! s'exclama Nana. Aller vient, on rentre. Ton Sasha a besoin d'être rassuré. 

Michaël adressa un regard froid, presque menaçant à Nana. La vertu de Géhenna ne sembla pas le remarquer et resta souriant, attentionné. 

— On reprend ! Lever, vomit, médecins, Sasha, hologramme, festin.

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