Chapitre 10

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— Je sais que tu peux le faire, dit Michaël à Sasha. 

La principauté acquiesça et avança sur la grande avenue, entourée de ses troupes de chanteurs et de musiciens. Els portaient tous de sublimes tenues vertes, pailletées, éclatantes, en hommage au Chanteur Merveille el-même. A l'unisson els firent une prière au primordieu.

Sasha et ses principautés prirent leur envol, montant dans les hauteurs du vaisseau-monde et de son ciel artificiel. Là-haut, els commencèrent à chanter, les lumières de leurs halos brillant comme des soleils. Sur ces premières notes et paroles, tous les élohim du vaisseau, les millions de passagers ailés, s'élevèrent dans les airs en direction de Sasha. Les vertus militantes restèrent au centre, lançant leurs filets sur les puissances et les ophanim qui les entourèrent dans un entonnoir protecteur, tout en propulsant Michaël à la tête du cortège. Ainsi formé, l'essaim des élohim s'éleva vers la station de pilotage.

— Un millier à 30.36.43, dit Nana, sa voix émise depuis le Reflet via l'akshoka que Michaël portait autour du cou.

Le Fitzarch transmit ces coordonnées aux ophanim, qui s'y précipitèrent. Leurs roues se mirent à tourner à toute vitesse, ouvrant l'espace-temps en deux comme un chirurgien maniant un scalpel. Les démons du temps furent tirés de leur cachette et massacrés par un contingent de puissances. Sasha chanta la victoire, élevant une grande clameur parmi les élohim. Michaël cependant, ne se laissa pas déconcentré ni par cette victoire, ni par les suivantes, qui se multiplièrent kilomètres après kilomètres parcourus en direction de la station. Les attaques se firent de plus en plus nombreuses et intenses. Les démons du temps opposant de plus en plus de résistance face aux puissances. Alors que la voix de Nana, qui résonnait secrètement et seulement aux oreilles de Michaël, se fit de plus en plus fatiguée, les élohim subirent leurs premières pertes. Sasha et ses principautés chantèrent plus forts, leurs tambours et leurs trompettes masquant la chute des morts. 

— Nana ! souffla Michaël. Tu me dit pas tout là ! Il y en a bien plus que c'que j'entends !

— Il y en a beaucoup ok ?! Beaucoup ! 

— Et alors ? C'est pas comme s'ils t'attaquaient !

— Je dois rester prudent…

— Tu m'avais dit qu'ils ne te voyaient pas dans le Reflet !

— C'est compliqué d'accord !

Nana annonça alors une nouvelle ribambelle de coordonnées. Cette fois, les ophanim n'eurent pas à extraire les démons. Ces derniers se révélèrent d'eux mêmes, sauvages et meurtriers. Ils s'abattirent par millier sur les puissances, qui se sacrifièrent pour épargner les vertus militantes et les autres élohim. 

— Notre agitation devait les empêcher de nous attaquer ! protestèrent quelques uns, dont l'attention avait échappé à la subjugation de Sasha et des principautés. 

— L'agitation les empêche juste d'arrêter le temps mais ils peuvent se montrer. Ils peuvent nous faire mal sans utiliser leur manipulation du temps…

Les élohim protestèrent, dispersant leurs efforts. 

— Préférez vous affronter nos ennemis les yeux ouverts ou fermés ? s'énerva Michaël. 

— Michaël ! Attention droit devant ! s'écria soudain Nana. 

Le Fitzarch n'eut pas le temps de réagir. Des démons, sortis de nulle part, apparurent à l'avant de l'essaim des élohim et se jetèrent sur les plus malchanceux d'entre eux. L'un d'eux attaqua Sasha, ce qui créa la panique. Michaël el-même percuta de plein fouet un être sombre qui tomba alors vers le reste des élohim en poussant un cri perçant. Sa voix, celle d'un éloha, glaça le sang de Michaël.  

— Nous en sommes à la moitié du trajet ! s'égosilla le prince. Courage.

— Michaël, oh Michaël, rappela Nana, la voix raillée par des sanglots. Ils sont vraiment nombreux là. Ils ont comprit ce que tu tentes…

— Ophanim en avant ! ordonna Michaël. 

En quelques instants, les éclaireurs se lancèrent au devant de l'essaim et ouvrirent l'espace-temps. Els ne firent que percer un ballon plein à craquer. La horde des démons du temps se révéla et immédiatement, s'abattit sur les élohim.

— Horde contre horde ! hurla Michaël. 

Le Fitzarch déploya son filet de lumière et relia tous les élohim entre eux. En quelques instants, el tissa des thaumaturgies de force pour les puissances qui formèrent la première ligne. 

— Vertus militantes ! appela Michaël. Au combat ! Pour Guebourah ! Pour Hod ! Pour le Domitia !

— POUR EL ! clama la foule.

Le million de vertus militantes présentes dans l'essaim lancèrent leur propre filet pour relier les halos des élohim. Bientôt l'essaim se transforma en un cocon impénétrable, à l'intensité lumineuse extrême. Une énergie dangereusement haute s'empara des élohim. Michaël, à la tête du cortège, sentit son corps s'étendre, s'agrandir. Des plumes recouvrirent sa peau. 

Je suis en train de prendre ma forme apocalyptique, comprit Michaël.

Le Fitzarch essaya de calmer sa respiration. A à peine vingt ans, el n'avait pas encore appris à maitriser sa forme véritable, puissante et bestiale. Son corps ploya sous l'effort, sous l'intensité lumineuse du cocon. La lumière rendait les élohim plus forts, mais sans expérience, els ne pouvaient maitriser cette force. 

— Raph ! Raph ! appela soudain Michaël sans s'en rendre compte. 

— Michaël ? appela Nana. Oh par EL ! Contrôle ! Contrôle !

— Je vais entrer en supernova ! réalisa le Fitzarch. 

Le halo de Michaël s'étendit brusquement, son métal lumineux coulant sur des dizaines de mètres autour d'el. L'esprit du Fitzarch s'étendit tout autant et sa conscience se transforma. Nana hurla. Sasha aussi. Michaël les entendit mais ne réagit pas. El souffla et un rugissement métallique surgit d'el.

— Retraite ! Retraite ! paniqua Nana. 

L'essaim des élohim percuta celui des démons et Michaël se jeta dans la horde. 



Zinebiel était à bout de souffle. Haletant, le capit'aile du Domitia se glissa sous une plateforme qui bordait le poste de commandement. El éteignit presque son halo pour ne pas se faire repérer et pressa son fusil luminique contre el. Sur le sol, el garda tendu le filet qu'el avait tissé, pour capter les mouvements des démons entre les fils de la réalité. 

Qu'allait-il se passer ?

Zinebiel ne pouvait pas se connecter au réseau EL pour compter les vivants qui restaient dans la Flèche. Au moindre scintillement, les démons invisibles surgiraient. Des sous-capit'ailes devaient rester. Si Zinebiel avait survécu, ses subordonnés le pouvaient. Els en étaient capables.

Que va-t-il se passer ?

 Zinebiel avait peur de perdre de sa vigilance. El n'osait pas utiliser ses pouvoirs. Si el quittait le temps présent trop longtemps, el ne capterai pas les vibrations dans son filet qui avertiraient d'un assaut des ténèbres. Le temps s'arrêterait et sans même le réaliser, Zinebiel mourrait. Mais ses instincts de domination, descendante de l'Oracle entre les Étoiles, montèrent en el pour embrumer son esprit. Le fusil luminique était bien utile, mais l'art premier des dominations était son arme véritable. Ainsi, Zinebiel sortirait et tuerai les démons du temps. 

Tout avait commencé avec ce maudit Fitzarch, emmené à bord par Guéhenna, cette agence maudite venue d'un royaume maudit, dirigé par un autre Fitz, le plus maudit des maudits. Monsieur S, enfin, ses barbouzes, s'étaient permis d'infiltrer le Domitia sans autorisation du capit'aile du vaisseau, encore. Tant de problèmes avaient découlés des manigances de l'agence guébouréenne. Et els étaient encore surpris que personne ne veuille servir à la Forteresse des Cieux. Évidemment, évidemment.

Je me suis dressé contre els et els se vengent ?

Non. Les démons du temps étaient venus dans un vaisseau hodien. El avait atterri dans le hangar après un protocole d'identification classique, normal. Une voix amicale avait résonné dans les oreilles du contrôleur spatial. Mais quand les portes du vaisseau s'étaient ouvertes, rien. Une coquille vide. Une alerte était remontée à la capit'ailerie. Mais quelques instants plus tard… Les élohim de la Flèche étaient tombés un à un, égorgés à quelques secondes d'intervalle par une force invisi... 

Zinebiel se figea. El ouvrit grand les yeux. Une silhouette monumentale marchait devant el, au-dessus de la plateforme. Un démon ? Non ! Non ! La chose avait un halo ! Un halo d'argent à la lumière mauve. 

Michael ?! Michael Fitzarch ? 

Impossible ! La créature ne ressemblait en rien au gringalet venu de Hod. Elle était énorme, trapue, presque quadrupède. Son corps semblait avoir muté depuis celui d'un éloha. Sa gueule animale arborait un nez porcin, des crocs fins et pointus. Sa double paire d'ailes était déployée au-dessus d'el, énorme, puissante. Sa peau s'était déchirée pour révéler des muscles suintant d'un liquide rouge. 

Par EL ! Satanachia !

Zinebiel plaqua sa main devant sa bouche. El lutta pour que son esprit reste dans le présent. Michael avait ingéré du sang d'Adam. Sa forme apocalyptique avait été corrompue pour devenir un monstre au service d'un seul être. Satanachia, l'Oracle Guerrier de l'aube du Tikkun qui faisait muter ses troupes pour devenir des créatures impies, tueuses de démons. Cette folie n'avait pas duré. Satanachia était devenu... Guéhenna. 

-- Michael ! Michael ! Viens ici petit chou !

La voix de Nana résonna dans la Flèche, depuis un endroit que Zinebiel ne put voir. Soudain, un autre éloha surgit des ombres et vola aux pieds de Michael-mutant. Zinebiel reconnu un membre de la capit'ailerie. 

-- Non ! cria la domination.

Trop tard, Michael saisit l'imprudent par la gorge et le décapita. 

-- OH MERDE ! s'écria Nana. 

Au loin, Zinebiel entendit soudain la vertu de Guéhenna hurler. Un rugissement abominable résonna. Le filet de Zinebiel crépita. Les démons du temps ressurgirent et le temps se dilata. Zinebiel battit des paupières et vit des cadavres démoniaques tomber sur la plateforme et en dessous, comme sortis de nulle part. L'arrêt du temps n'aidait pas les démons à vaincre Michael, qui les exécutait à toute vitesse. D'autres élohim sortirent de leurs cachettes. Zinebiel eut beau hurler pour leur ordonner de rester cachés, rien n'y fit. Michael les attrapa, incapable de distinguer les élohim et les démons. El les tua tous, brutalement. 

-- C'est un adammite ! El a perdu sa raison ! hurla Zinebiel au péril de sa vie. Restez cachés ! Restez cachés ! 

Un nouveau corps fila dans les airs pour s'écraser contre le mur circulaire du pont de commandement. El rebondit et atterrit sur une des plateformes. 

-- Nana ?! appela Zinebiel.

La vertu de Guéhenna ne se releva pas. Michael se dirigea vers el. El leva une de ses pattes griffues, monstrueuses, pour l'abattre sur le crâne de la vertu. Mais un rugissement démoniaque l'interrompit. Depuis l'autre côté, une engeance des ténèbres surgit, plus répugnante que la forme adamite, deux fois plus large aussi. Zinebiel ne put bien distinguer son apparence. Peu importe. Michael chargea la bête, qui frappa. 



Michaël émergea d'un long sommeil noir, absolu. 

La première chose qu'el sentit fut la friction du sol contre son corps, la tension dans son cou. Quelqu'un le traînait. 

— Raph ? Kokabiel ?

J'ai encore trop bu… 

Michaël entrouvrit les yeux mais ne vit rien. El entendit cependant une respiration saccadée, une panique camouflée. Le Fitzarch battit des paupières, se redressa. Sa vue s'adapta à la pénombre et el distingua une silhouette élohienne au halo presque éteint, penchée au dessus d'el. 

— Zinebiel ? 

— Chut !

La domination posa son doigt sur sa bouche en fixant quelque chose dans le noir. Michaël tourna la tête.

Sur le pont de commandement, les corps de centaines d'élohim gisaient au sol. Mais pour chaque enfant d'EL tués, trois démons du temps gisaient eux aussi, morts. Leurs silhouettes, si ressemblantes à celles des élohim, glaça le sang de Michaël, sans qu'el ne puisse rien dire. Mais là n'était pas le problème. 

Michaël tourna de nouveau son regard, suivant celui de Zinebiel. 

Sur une plateforme, à quelques mètres de la cachette où Zinebiel avait trainé Michaël, une grosse créature noire, puante et suintante, passa, sa gueule empoisonnée grande ouverte. La chose était si penchée en avant qu'el semblait presque marcher à quatre pattes. Mais dans sa main croche, el tenait quelque chose, quelqu'un.

Nana…

Le corps inanimé de la vertu de Géhenna était trainé par le démon sur le pont de commandement, entre les cadavres qui couvraient le sol, dans les flaques de sang noir ou doré tout autour.

— Que s'est-il passé, souffla Michaël, à peine audible. 

La jeune vertu ne put utiliser réseau EL pour communiquer télépathiquement. Faire cela ferait scintiller son halo, révélant sa présence au démon. 

— Les forces de Hod qui ont répondu à mon appel n'étaient pas… N'étaient pas réellement des forces de Hod... expliqua Zinebiel.

— Ce sont des démons, souffla Michaël. Des démons... étranges...

— Ils ont l'apparence de chérubins, chuchota Zinebiel. Leur intelligence aussi, c'est... c'est le Malin... 

— Ils sont là pour moi.

Zinebiel secoua la tête, dubitatif. 

— Ils sont sortis de nulle part, souffla la domination. Mes élohim se sont fait massacrer en l'espace de quelques secondes. Mes sous-capit'ailes ont disparu. Je me suis battu mais… Mais je n'ai pas pu faire grand chose. 

Michaël vit alors que Zinebiel était gravement blessé. Son flan était littéralement troué, exposant ses organes internes. La domination s'était soigné d'el-même. El avait arrêté son hémorragie, couvert la plaie d'un film transparent. Mais cela n'était pas suffisant. La domination n'avait pas pu se soigner davantage, surement parce que là encore, la lumière des thaumaturgies le révélerait. Le temps pressait. La mort le guettait. Michaël se redressa et rampa pour sortir de la cachette. 

— Où vas-tu ?! paniqua Zinebiel.

— Je vais venger mon petit espion de Géhenna. 

— Hein ? Tu ne pourras rien contre cette bête ! 

— Je suis une vertu-militante. Je sais me battre.

— Non, non, non !

Michaël ignora Zinebiel et se faufila hors de la cachette. El cependant une tête à l'intérieur avant de partir et demanda :

— Tous ces démons au sol là, c'est moi qui les ait tué n'est-ce pas ?

Zinebiel resta un instant surprit, avant d'hocher la tête. 

— Oui, c'est toi. Nous n'avons rien pu faire nous mêmes, nous les avons à peine vus. Mais toi... Quand tu as déboulé ici dans ta forme apocalyptique, ils sont réapparu et… je t'ai vu les tuer et venger mes troupes. Mais tu n'étais pas toi-même Michaël. 

— Il faut en finir, souffla le jeune Fitzarch. 

— Prends ceci.

Zinebiel tendit un gros blaster luminique à Michaël, un incroyable objet de collection richement orné et décoré. 

— Il marche comme un blaster classique, chuchota Zinebiel. 

— Merci. Je reviens dans quelques minutes d'accord ?

Zinebiel baissa les yeux mais approuva. Michaël se faufila sur le pont de commandement, le souffle coupé, le plus silencieusement possible. El enjamba des centaines de cadavres d'élohim, loyaux ou démoniaque, en essayant de ne pas les toucher. Le gros démon était droit devant, à l'extrémité avant du pont. El avait lâché Nana, en l'observant, Michaël vit que la vertu respirait. 

Génial !

Michaël avança vers un poste de commandement, derrière lequel el voulu se cacher. Mais soudain :

"FRRRRRRRRRRR"

Un des démons du temps, allongé au sol, venait de se réveiller. Il agrippa la jambe de Michaël. Le Fitzarch tira. Le jet de lumière du blaster explosa la tête du démon. 

"Grrrrlllrrrrrrrrrl"

Michaël posa sa main sur sa bouche. 

"Grrrrrrrkrkrkrkl"

Le gros démon était là, juste derrière le poste de commandement. Il avait entendu la déflagration. Sa tête difforme, couverte d'yeux, sonda les alentours et alors qu'il allait voir Michaël, la jeune vertu se glissa sous le pont et tomba dans les postes inférieurs. Devant de grands sièges inclinés, se tenaient la les super ordinateurs qui commandaient les systèmes du Domitia. Michaël eut la chance d'atterrir sur le velours des divans, minimisant l'impact sonore. Là haut, toujours sur le pont, Michaël entendit le démon rugir. 

— Capsule ! hurla Nana.

Michaël s'enfonça entre les divans et atteignit le point le plus bas de la structure. Là se tenait un passage vers un sas, où au bout duquel se trouvait une grosse porte circulaire, dotée d’un petit hublot. Michaël jeta un œil au travers. De l’autre coté était amarrée une capsule d’évacuation, remplie de dizaines d’élohim aux halos éblouissants. Parmi eux, Michaël reconnut les halos d’or de dominations, ceux d’argent de vertus haut-placées, et même les halos blancs de quelques archanges. En voyant Michaël, les nobl’ailes ouvrirent la capsule et l’attrapèrent pour le tirer à l’intérieur.

— Que faîtes vous ? s’indigna le jeune prince.

— Oh par EL ?! Fitzarch ?! Un Fitzarch ici ?! Venez ! Vite !

— Hein ? Non ! Lâchez-moi !

— Il va revenir ! Vite ! Il faut qu’on parte avant !

— Qui va revenir ?

— Le démon ! Le DÉMON !

Michaël recula. Dans un claquement sourd, la réalité se ramollit. Des frissons firent trembler ses os alors qu’une douleur familière vint torturer son esprit.

— D-d-d-d-d-é-é-é-é-m-m-m-m-o-o-o-o-n-n-n-n-n-n-...

Michaël se retourna. Derrière el, la capsule d’évacuation se referma. El s’appuya contre son sceau alors qu’une ombre grandissait devant-el. Le démon se révéla, tout crocs dehors.

— P-a-r-E-E-L-L…

Dominé par sa stature, Michaël put enfin contempler le démon dans toute sa splendeur. Il était immense, immonde. Là où ses compères ressemblaient à des élohim mutants, lui  ressemblait à la fusion entre un chérubin et une abomination. Sa tête était déformée, avec deux énormes masses d’yeux au-dessus d'un museau remplit de dents suintantes de poison noir. Trapu, il ressemblait à une mouche géante, dégoulinant de souillure. Sa paire d’ailes décharnées se déplia pour remplir tout l’espace, alors que Michaël invoquait la lumière d’EL pour lui faire exploser à sa face immonde.

— QU’EL TE PURIFIE ! beugla Michaël alors que le démon tombait à la renverse.

Dès que l’explosion passa, le jeune prince brandit son blaster et noya le monstre de lumière. Il hurla, d’une voix élohienne qui glaça Michaël sur place. Le démon en profita et saisit la cheville du prince, qui tomba et glissa sur le sol. Il le ramena à ses pieds, souleva son bras, membre de chitine au bout duquel pulsait un dard noir. Et BAM !

— ARGH ! hurla Michaël.

Le démon venait de le poignarder en pleine poitrine.

— GLARGH ! ARGHH…

Le jeune prince s’étouffa, la gorge remplie de sang doré. Il jaillit, coula sur ses joues. Le poison du démon entra en el, remplissant l’un de ses cœurs pour se diffuser dans tout son système sanguin. Mais le second cœur de Michaël, protégé par son armure qui n’avait pas entièrement cédé, prit le relais et se mit à battre à tout rompre. Le démon retira son dard. Poussé par son instinct de survie, Michaël fit claquer ses ailes et se redressa. El recula, s’appuya sur le sceau de la capsule d’évacuation. Sa main gauche se dressa et ses serres se mirent à tisser par elles-mêmes. L’esprit de Michaël tourna à cent à l’heure, et son corps sembla suivre instinctivement. El lutta contre une sensation de détachement, alors que ses ondes s’accrochèrent au tissu de la réalité.

— Rends-toi, avatar du Guerrier.

Michaël ouvrit grand la bouche, horrifié. Le démon venait-il de parler ?!

— Phosphoros maudit...

Malgré son museau de crocs et de poison, sa voix rauque était parfaitement élohienne. Était-ce bien réel ? Ou une hallucination ? Ou un sort pour troubler ?

— Que ? Quoi ? Par EL ? Quoi ?

— Guerrier, Forgeron, Père, tous serons retrouvés et détruits.

Michaël haleta. Ses poumons gravement blessés, cédèrent. Sous le choc, le second cœur de Michaël céda. 

Splash !

Une giclure de sang rouge couvrit la pièce et le démon. La poitrine de Michaël convulsa alors que le liquide cramoisi se redressa pour retourner en el en serpentant sur son corps. Michaël vit ses bras gonfler. Les plumes de ses ailes poussèrent sur son dos, ses bras. Douloureusement, son visage se mua. D’énormes crocs sortirent de sa bouche. El perdit le contrôle, bondit en avant. Ses serres énormes saisirent le démon par le crâne et l’épaule. Sa mâchoire se referma sur son cou. El dévora, dévora, dévora. La tête de la mouche géante roula sur le sol. Michaël tomba sur le corps du monstre et déchira toutes ses articulations, envoyant valser des bouts d’os et de chair noirs partout. L’univers trembla.

— A-A-A-A-A-A-A-R-R-R-R-R-R-R-R-R-R-R-R-G-H-H-H-H-H-H

Quand Michaël se réveilla, des alarmes résonnaient partout. El reprit conscience brutalement, se souvint de tout. Son corps fut prit d’une énergie électrique, portée encore et toujours par l’instinct de survie. El observa les alentours. Le démon avait disparu. De lui ne restait plus qu’une bouillie noire. El vit alors ses propres bras, encore gonflés. Le jeune prince était à moitié nu, le corps couvert de sang rouge, doré, noir, une mélasse multicolore. El se releva, s’appuya de nouveau sur le sceau de la capsule d’évacuation.

— Hééé Ho ! Hé ho ?!

Michaël se retourna. El colla son nez contre le petit hublot. A l’intérieur de la capsule se trouvaient toujours les nobl’ailes, agités.

— Nous devons partir ! Le démon approche !

Michaël haleta, s’appuya sur la porte et trouva la force de souffler :

— Non, je viens de le tuer…

— Oh par EL ! Cela s’est passé en un éclair ?! On ne vous a pas vu…

— C'est normal, soupira Michaël. Le temps a été dilaté. Aller, c’est bon, sortez de là.

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