Chapitre 9 : Prisonnier

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“Mage, descends de ton arbre, et ne tente rien d’irréfléchi, tu es entouré par 5 cavaliers et visé par autant d’archers. Nous avons de plus un mage à nos côtés qui nous préviendra si tu tentes de te servir de ta magie résultant en une pluie de flèches.”

Myrek avait déjà vécu des réveils plus agréables, et d’autres moins certes, mais il ne s’attendait pas à ce que cela lui arrive ici, à plusieurs journées de marche du plus proche être vivant. Du moins le croyait-il.

“D’accord d’accord, laissez moi me réveiller, me détacher et je descends.”

L’esprit encore embrumé de sommeil, il entreprît de se détacher et d’évaluer la situation. Il vit au pied de l’arbre un soldat en armure, l’épée au fourreau. Il était plutôt grand, semblait dans la force de l’âge et gardait les yeux rivés sur lui. Tout autour de l’arbre il vît les 5 cavaliers et archers dont le soldat parlait et effectivement, les arcs étaient prêts à être bandés et à relâcher leurs traits mortels. Ses nombreux voyages lui avaient appris à toujours éviter ce genre de situations, il était généralement prudent, mais il avait relâché sa vigilance. 

Évaluant ses options, passant en revue les sorts qu’il connaissait, il se rendit bien vite compte qu’aucun ne l'empêcherait de se retrouver embroché. Alors il se décida à simplement obéir,et voir où cela l’amènerai. En dernier recours il aurait toujours quelque chose, mais il espérait ne pas avoir à s’en servir.

"Dépêche toi, nous n’avons pas toute la journée !” dit le soldat au pied de l’arbre.

Myrek se dit qu’il avait déjà entendu cette voix récemment et observa furtivement l’uniforme du soldat en descendant de l’arbre. Il reconnût l’uniforme des gardes frontaliers. Au moins ce n’étaient pas des bandits, mais en même temps, qui cela aurait-il pu être d’autre si loin dans les Landes ? La chose étonnante était tout de même qu’ils sachent que c’était un mage. Il faisait pourtant tout pour le dissimuler, n’utilisant sa magie que lorsque c’était nécessaire, effaçant les preuves avec des sorts d’oublis. Il se demanda où avait bien pu être la faille.

Il la remarqua quand il vit Lymel discuter avec un jeune homme. C’était un soldat qui ne semblait pas à sa place. Et son visage lui rappela où il avait déjà croisé la troupe. Dans la taverne du village du fantôme justement. Il ne s’attendait pas à ce que ce jeune noble soit un mage, il avait donc pû résister au sort d’oubli qu’il avait lancé et l’annuler sur ses compagnons. Maudissant son manque de précautions, il se présenta devant le soldat, mains en l’air, semblant sûr de lui.

“Me voici. Puis-je savoir à qui j’ai affaire et que me vaut cette animosité ?”

L’homme ne dit rien et présenta une corde devant lui. Myrek comprit et plaça ses mains l’une contre l’autre entre le garde et lui. En les attachant, le soldat répondit.

“L’officier te répondra, en attendant, le moindre geste suspect et tu mourras avant même d’avoir pu dire un mot.”

Sa voix se voulait assurée mais le mage entendit bien qu’il n’était pas serein de la proximité du mage. Ce gros dur, qui s'aventurait régulièrement au cœur des Landes, avait peur de lui. C’était courant, après tout les hommes avaient tendance à avoir peur de ce qu’ils ne comprennaient pas, c’est pourquoi Myrek était toujours aussi avide de discrétion. On ne pouvait jamais savoir à l’avance si les gens allaient vous acclamer pour votre magie ou tout faire pour vous mettre sur un bûcher. Et il n’était pas nécessaire d’être face à un fanatique de la Théocratie d’Ermaon pour que cela tourne mal. Même au sein du Royaume de Siregel, qui pourtant est un lieu où toutes les cultures sont représentées, toutes les races et toutes les espèces, dans certains villages le premier réflexe quand on entend parler de magie est de sortir les fourches et les torches.

“Ne vous en faites pas, je ne suis pas plus dangereux pour vous que ce jeune homme là bas.”

L’homme se retournant cracha au sol. Alors Myrek se tût et suivit, tiré par la corde. Le groupe se mit en marche dans la direction de la frontière, à l’opposé de la destination du mage. Il aurait préféré ne pas avoir à traiter avec la garde, son affaire ne pouvait que la placer en mauvaise posture. Jouer avec la mort était mal vu à peu près partout dans le monde, et il avait déterré un cadavre. Il jeta un coup d'œil vers Lymel, toujours en pleine discussion avec le jeune noble, qui lui ne quittait pas le mage des yeux. Quand leurs regards se croisèrent, il vit son regard s’allumer, et Myrek comprit que le sort d’oublis venait seulement de s’annuler. C’était donc le paysan qui l’avait vendu. Soupirant, il retourna la tête devant lui et se perdit dans ses pensées.

 

On l’accrocha à un piquet sous la bonne garde de quelques archers et du nobliaux. Tous les soldats du camp vinrent le voir une fois au moins, certains restaient, murmuraient entre eux. Voir un mage était une grande attraction partout dans le monde après tout ! Myrek avait mal aux poignets, les cordes étaient trop serrées. Ses jambes fatiguaient.

“Pouvez-vous au moins me détacher les pieds, que je puisse m’asseoir ?”

Les soldats semblèrent surpris que l’étrange créature parle. Cela leur rappela sans doute que qu’il était aussi humain qu’eux. Vivre aussi près de l’un des plus grands mystères magiques irrésolu au monde et être si fermés à la magie, quelle ironie… A moins que son sort ne soit uniquement dû au fait qu’il est déterré Lymel. Il ne savait pas et se doutait qu’il n’aurait de réponse que lorsqu’il verrait l’officier.

“Il a raison, c’est un prisonnier et un mage certes, mais nous ne sommes pas des barbares.”

Dit l’officier s’approchant par le côté. Il sortit son épée du fourreau et donna un coup dans le poteau, sectionnant les cordes retenant les jambes du mage.

“Maintenant nous devons parler, Myrek c’est cela ? Il paraît que nous nous sommes déjà rencontrés ?”

Et voilà, ils sont au courant pour le sort d’oubli. Autant c’est très efficace pour effacer ses traces, autant les lois du Duché punissent ce genre de magie assez sévèrement.

“Vraiment ? Je n’en ai pas de souvenirs…" répondit Myrek.

L’officier se plaça face au poteau. C’était bien celui avec qui il avait parlé à la taverne. C’était bien celui qui l’avait mis en garde contre le fait de colporter l’histoire de l’Ombre.

“Ne joue pas au plus malin avec moi mage. Le fantôme nous a raconté pour le sort d’oubli, de même que pour la profanation de sa tombe. Ce sont deux actes criminels qui vont te valoir d’être amené devant un tribunal.”

Il avait toujours l’air peu amène, grand, les cheveux et la barbe parsemés de gris, une grande cicatrice sur le côté du visage, le regard sévère.

“Si vous connaissez toute l’histoire, vous savez pourquoi j’ai agi ainsi alors. J’ai délivré l’âme de ce pauvre homme et je ne pouvais pas ramener son corps à sa place d’origine sans avoir à creuser le trou à la pelle. C’était donc impossible à faire avec vous dans la taverne. Pour ne pas être poursuivi j’étais contraint de vous faire oublier mon existence, et je poursuis moi-même celui qui lui a fait cela. Il est parti pour Namas Cintas, il veut maîtriser la nécromancie. Je ne connais pas ses motivations mais il a pris la vie de beaucoup de villageois innocents. Je ne cherche qu’à l’empêcher d’aller faire plus de torts, et nous n’avons pas de temps à perdre.”

L’officier laissa le mage écouler sa tirade tout en le fixant. Tout n’était pas vrai, c’était la connaissance qui l’attirait avant tout, mais il était certain que si Elyon voulait prendre le contrôle de l’armée des morts, il faudrait l’en empêcher, et personne d’autre que lui ne le pourrait à temps.

“Tes motivations ne m'intéressent guère, mage. Je ne suis pas un érudit, aussi je laisserai ceux du tribunal juger de ton cas. Je ne ferai qu’appliquer la loi te concernant, pas d’exceptions. Seul un mage peut traiter du cas d’un mage après tout.”

Et l’officier s’en fut laissant Meryk seul attaché à son poteau. Il se laissa glisser au sol. S’il était amené devant le tribunal, Elyon aurait tout le temps qu’il voudrait pour atteindre la ville fantôme, y apprendre tout ce qu’il voudrait et en repartir. Il ne doutait pas que le mage survivrait à cette aventure, il devait y être préparé. Et de plus le tribunal ne comprendrait peut être pas ses motivations. Après tout, la nécromancie est une magie inconnue, dont même beaucoup de mages ne reconnaissent pas l’existence. Soi disant que l’on ne peut ramener à la vie quelque chose que le Flux a déjà quitté, que l’on ne peut interagir avec l’âme des morts, que le passage de la porte des âmes est un passage définitif et irréversible. Ces mages cherchent toutes sortes d’explications concernant les réanimés, parlant d’invocations, de sorts de prolongements de la vie, certains poussent même jusqu’à l’illusion. Il était donc certain que le tribunal le condamnerai. Et pourtant.

Et pourtant la nécromancie était du domaine du possible, les réanimés étaient des morts revenus à la vie comme le dit si bien leurs noms, et la menace d’Elyon était réelle. Myrek le savait car lui-même avait déjà ramené une âme depuis l’autre côté de la porte.

 

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