Capitaine Keltriss Eber - Astredi 15 de Cosma, à bord de l'(incroyable) Arche des Rêves.
Il est bien gentil, Hari, mais COMMENT je fais pour tenir un journal de bord ? Je n'ai jamais fait ça de ma vie... Et puis en plus c'est looooooong de devoir écrire tout ce qu'on a vécu dans la journée. Je ne suis pas faite pour ça, moi ! Ce que je préfère, c'est le frisson de l'aventure, c'est combattre la houle capricieuse, c'est faire face à des hordes d'ennemis et quand même en ressortir victorieuse ! Et alors qu'il y a un soleil magnifique dehors, me voilà enfermée dans ma cabine par mon propre équipage. Bon, on n'est que deux sur le bateau, mais ce n'est pas le plus important. Le plus important, c'est qu'il refuse de me laisser sortir tant que je n'ai pas fini de rédiger ce fichu journal ! Il ose me faire ça à MOI, la CAPITAINE ! C'est une terrible inbuso insudornibation insubordination ! Et puis, comment est-ce qu'il a réussi à me voler la clé ? Il faut que je pense à lui demander son secret, ça pourrait me servir plus tard. Mais pour le moment, je suis toujours ENFERMÉE. Bon, puisque Hari ne me laissera pas sortir tant que je n'ai pas terminé, il va falloir que je me lance ! Oh, j'ai trouvé comment je vais commencer !
Bienvenue dans le journal de la plus GRANDE aventurière que le monde n'ait jamais connu : moi, la capitaine Keltriss Eber ! Enfin, ce n'est pas encore exactement le cas, mais d'ici quelques semaines, je peux vous le dire, la Guilde des Arpenteurs sera obligée de le reconnaître ! Depuis toute petite, je rêve d'accomplir ce que personne d'autre n'a auparavant osé relever à travers le continent : faire le tour de Ravenor par la mer, en partant du Merendil pour arriver au Désert des Cendres. Franchement, je n'ai aucune idée de ce qui nous attend, mais qu'est ce que le voyage serait ennuyant sinon ! Bon, Hari n'est pas vraiment d'accord... Il grogne tout le temps qu'il aurait préféré croupir en prison plutôt que devoir purger sa peine en m'assistant, mais une chose est sûre : sans lui, je ne pense pas que ce voyage aurait été possible...
Vous voyez, ce n'est pas la première fois que j'essaie de faire le tour de Ravenor. Ma première tentative remonte à il y a 3 ans ! Comme pour mes tentatives de voyages précédentes, j'étais toute seule pour construire mon bateau : personne ne voulait m'en prêter un, les marchands et les autres membres de la guilde me disaient que j'étais trop irresponsable, qu'il était impossible de faire le tour de Ravenor, encore moins pour moi, et qu'ils ne reverraient jamais leur bateau. C'était super blessant des mots comme ça ! Mais bon, après plusieurs mois de travail acharné, j'avais enfin fini ! Alors que tout le monde se moquait de mon embarcation, j'allais pouvoir partir à l'aventure. Si tout le début se passa bien, après cinq jours de navigation, une ÉNORME tempête se leva et fracassa mon bateau en mille morceaux. Me battant contre les vagues, cherchant à m'accrocher à mon épave, je n'ai vue que trop tard sur l'immense gueule de la créature derrière moi... J'ai nagé de toutes mes forces pour pouvoir l'éviter... mais pas assez vite. Mon côté gauche me fit d'un coup très mal, mais le reste est très flou. Je me souviens d'un bateau arrivant à l'horizon, la créature qui s'enfuit et puis... juste une grande salle où j'étais allongée. C'est quand j'ai essayé de prendre appui sur mon bras gauche pour me relever que j'ai compris qu'il me manquait quelque chose. La créature avait eu tellement faim qu'elle me l'avait entièrement dévoré. J'espère qu'elle s'est régalée au moins, car ce n'était sûrement pas ça qui allait arrêter la capitaine Keltriss Eber ! Après seulement un jour à l'infirmerie de la Guilde, j'étais partie pour me relancer dans la construction d'un nouveau bateau ! Mais c'était beaucoup plus dur que je ne le pensais... Tenir un marteau et des clous avec une seule main, c'était mission impossible pour moi. Mais je n'ai pas renoncé ! Cependant, au bout de deux ans, je n'avais toujours pas réussi à reprendre la mer et les moqueries de la guilde s'étaient démultipliées se faisait encore plus grandes. Je commençais alors à douter que mon rêve était réellement encore atteignable... Après tout, qu'est ce qu'une estropiée comme moi pourrait réussir à accomplir là où des milliers avant moi avaient échoué ? Je vous promets, l'histoire se finit bien !
Car c'est alors qu'IL est arrivé. Un jeune adolescent efféminé à la peau blanche et aux cheveux roses ébouriffés, portant d'incroyables lunettes rondes à plusieurs verres semblant pouvoir se rétracter. Il portait une simple tunique bleu, un pantalon noir un peu bouffant ainsi qu'un incroyable vieux manteau en cuir avec plein de poches qui devaient déborder de trésors ! Mais surtout, il portait un lourd collier autour du cou et était accompagné par deux gardes de la ville, ainsi que le maître de la Guilde. En rigolant, ce dernier a poussé avec violence devant moi le jeune homme et le présenta comme Harystophélès (mais je préfère largement Hari !). Il me dit qu'à compter d'aujourd'hui et pendant 5 ans, Hari devrait travailler à mon service pour purger sa peine et qu'il devrait rester en toutes circonstances près de moi avant de murmurer aux gardes que c'était sûrement la pire punition qui l'attendait. Et donc pendant 1 an, Hari m'aida à construire un bateau qui serait capable de traverser les océans ! C'est un véritable génie ! Même s'il est souvent méchant avec moi, me disait que j'étais "une catastrophe ambulante doublée d'une affligeante ignorance" et qu'il ne souriait jamais sauf quand il parlait de lui, je sais qu'il voulait faire le meilleur de tous les navires et il y travaillait dur tous les jours. Il a même ajouté plein d'accessoires incroyables sur mes plans de base ! Une bulle magique qui protège de la pluie, des hélices propulsant le bateau grâce à des cristaux dans la soute, un gouvernail capable de tenir seul le cap... Et il y a deux jours, c'était enfin FINI ! Grâce à lui, nous avions enfin de quoi repartir à l'aventure... bien qu'Hari était complètement contre et fit tout pour rester sur terre, allant même jusqu'à se cacher dans une caisse pendant plus d'une journée près de l'entrepôt. Mais il n'a pas eu le choix, car c'est moi la capitaine ! Et mon bateau, j'ai décidé de l'appeler l'Arche des Rêves ! Ca sonne bien, non ? Je ne sais pas pourquoi, mais avec Hari à mes côtés, j'ai le sentiment que cette fois-là sera enfin la bonne ! Cela fait maintenant 5 jours qu'on est parti... et voilà pour toute cette histoire ! Je pense que ça sera suffisant pour qu'il me laisse sortir d'ici, non ?
Harystophélès - Astredi 15 de Cosma, Arche des Rêves
Pour la première fois depuis plus de 400 jours, je pensais enfin pouvoir profiter d'un long moment de répit. Retrouver cet état de sérénité mental où mon génie créatif peut enfin s'exprimer à son plein potentiel, sans à devoir constamment empêcher ma "geôlière" de provoquer une énième catastrophe sur son passage. Enfin, je me voyais profiter de ce tableau idyllique, un soleil éclatant serti dans un ciel turquoise qu'une minuscule masse grise de nuages cherchait désespérément à grignoter à l'est. Pour le commun des mortels, c'était un temps idéal pour sortir et voir ses proches. Mais je n'ai cure de ce genre d'activité. A vrai dire, je ne tire même aucun plaisir dans ces batifolages. Face à ces rues souvent bourdonnantes de monde, c'est un temps parfait pour rester cloîtré dans ma cabine et m'atteler à la seule tâche digne de mon intérêt : me débarrasser de cet horrible collier dont on m'a affublé. Ce collier qui m'empêche de m'éloigner de plus de 50 mètres de ma geôlière, sous peine d'être carbonisé sur le champ. J'imagine qu'en lisant ceci, une instillante curiosité commence à vous ronger, une curiosité qui vous fait demander : comment un esprit aussi brillant que le mien a pu finir avec cet objet autour du cou et surtout, se retrouver à devoir "collaborer" avec la créature la plus ennuyante et ignorante de sa génération. Et bien voyez-vous, ce n'est pas dans ces lignes que vous y trouverez la réponse. Mon temps est bien trop précieux pour m'atteler à ces histoires larmoyantes qui n'ont pour seul but que de s'attirer la sympathie du lecteur. C'est donc au moment où je m'apprétais à m'occuper de cet engin barbare autour de mon cou qu'une terrible vague, parfaitement en désaccord avec ce climat placide, vint soulever le bateau ainsi qu'un haut-le-coeur à mon corps. Que je déteste la mer... Pour couronner le tout, cette soi-disante capitaine s'était remise à tambouriner frénétiquement sur la porte de sa cabine. Il semblerait que mon repos aura été de courte durée... Me levant d'un coup sec de mon tabouret, peut-être un peu trop vite pour mon estomac encore retourné, je partis m'occuper de cette nuisance sonore en sortant de ma poche la lourde clé discrètement subtilisée une heure auparavant.
Que je regrette de l'avoir libéré de sa cage... Moi qui pensait qu'elle se montrerait un minimum reconnaissante et se ferait discrète pour le reste du voyage, la voilà devant le gouvernail, entonnant des chants à s'en briser la voix, mais surtout mes oreilles. Impossible de travailler adéquatement dans de telles conditions. Une nouvelle vague vint se fracasser contre la coque, me forçant à m'accrocher à la porte pour ne pas traverser la pièce. Jetant un coup d'oeil rapide par la fenêtre, je constatai que l'extérieur était bien plus sombre qu'il ne l'était il y a encore quelques minutes. Par quelle magie les cieux se sont-ils si rapidement couverts ? Une vague vint se fracasser, à nouveau, me projetant contre mon bois de lit et me laissant sonné pendant quelques secondes. Il me fallait sortir de là, et vite. D'après la "capitaine", nous avions enfin franchi l'île de Sombrecoeur ce matin, et nous nous apprétions à sortir de la zone cartographiée. Est-ce là tout ce qui nous attend ? Un abîme instable condamnant les marins imprudents à une mort certaine ? Est-ce vraiment comme cela que mes rêves de gloire allaient s'évanouir ? Il en était hors de question. A peine le temps d'ouvrir la porte, cherchant du regard la cause de ces anomalies ainsi que les solutions à disposition, j'entrevis d'immenses créatures émerger de l'eau agitée, d'une taille telle que leur moindre de leur mouvement pourrait condamner notre embarcation à une vulgaire épave. Et au milieu de ce tableau désastreux, elle riait, le visage frappé par la pluie battante, n'ayant même pas cherché à activer le dôme de protection. Était-ce cette folie naissante qui nous attend au seuil de la mort qui l'avait dévorée ? Une étincelle dans le regard, elle semblait fascinée par le ballet de ces créatures colossales au point d'en oublier de piloter le bateau comme elle y a montré tant d'aisance les jours précédents. C'est alors que sans prévenir, le temps sembla alors se dilater, les secondes devenant presque des minutes alors qu'une énorme vague se leva à tribord avant de se fracasser sur le pont, faisant chavirer violemment le bateau. Alors que je vis l'autre imbécile chercher à se battre dans les eaux agitées, je perdis connaissance peu de temps après une ultime pensée : est-ce vraiment dans cet anonymat complet que j'allais périr ?